Artisanat

Le chocolatier Fabrice Gillotte n’a pas fini de régaler les gourmands

En janvier 2021, le chocolatier Fabrice Gillotte a vu son atelier, à Norges-la-Ville, prendre feu. Il a engagé 8,5 millions d’euros dans un espace pensé autour de la transparence et qui associe savoir-faire artisanal et mécanisation.

Fabrice Gillotte a pensé ses ateliers en toute transparence pour que les visiteurs de la boutique puissent admirer le chocolat autant que le savoir-faire des équipes. (Aletheia Press / Nadège Hubert)
Fabrice Gillotte a pensé ses ateliers en toute transparence pour que les visiteurs de la boutique puissent admirer le chocolat autant que le savoir-faire des équipes. (Aletheia Press / Nadège Hubert)

« Il était 13h23 exactement quand j’ai fait évacuer les équipes. » Fabrice Gillotte se souvient, comme si c’était hier, du jour, le 19 janvier 2021, de l’heure et des circonstances de l’incendie qui ont eu raison de son site de fabrication implanté à Norges-la-Ville depuis plus de vingt-cinq ans. « Un court-circuit dans une pièce de cinq mètres carrés où nous n’allions presque jamais. En quelques minutes, les 100 mètres carrés de l’atelier se sont remplis de fumée et tout est parti en cinq heures. » La gorge encore nouée, le chocolatier ancien meilleur ouvrier de France (MOF), décrit le cauchemar qu’il a vécu en voyant d’abord les pompiers puis en multipliant les démarches auprès des assurances.

Des mois interminables pour le chef d’entreprise qui a toutefois su garder le cap. « Nous avions un local de stockage avec chambre froide en face que nous avons pu transformer. Nous avons aussi reçu une aide d’autres chocolatiers qui nous ont prêté du matériel ou qui ont accueilli nos équipes dans leur atelier de fabrication. » Touché, Fabrice Gillotte évoque également l’entreprise dijonnaise Meunier qui lui a prêté des surfaces de stockage le temps nécessaire.

Garder le cap

Grâce à cette solidarité, Fabrice Gillotte n’a pas fermé une seule de ses trois boutiques à Dijon, Beaune ou Besançon, réduisant simplement de 30% sa gamme pour s’adapter aux circonstances. « Nous n’avons enregistré aucune perte d’exploitation, à la surprise des assureurs notamment. » Fier de ses 30 collaborateurs, dont 19 à Norges-la-Ville « soudés plus que jamais », il engage une réflexion pour reconstruire son atelier. « Quitte à tout effacer, autant repenser globalement le lieu et définir ce que l’on veut dire et comment on veut travailler. »

Le chocolatier et son fils Julien planchent sur les futurs locaux, misant sur la transparence avec de grandes baies vitrées. « On voulait de la transparence pour nos clients, mais aussi pour le confort de travail de nos équipes. Nous sommes exposés à l’est et le vitrage, plus cher, est adapté, avec des stores. Un toit végétalisé et des leds participent, quant à eux, à réduire la consommation d’énergie. » Dans le nouvel atelier, aucune cloison. Seules des murs et des portes vitrées séparent la boutique, les espaces de fabrication et de conditionnement. Une véritable renaissance qui a nécessité un investissement de 8,5 millions d’euros.

L’artisan et l’industrie

Du désastre, Fabrice Gillotte a pu sauver deux machines, toutes deux centenaires, un bâti à nougatine et une broyeuse pour les pralinés. Cette seconde a nécessité 70 000 euros pour sa remise en état. « On en trouve des plus modernes, mais le grain à l’arrivée n’est pas le même. » A côté de ses vieilles dames dont le chocolatier parle avec respect, l’artisan s’est équipé de machines modernes, ne manquant pas de faire réagir nombre de ses confrères qui le rangent trop rapidement dans la catégorie des industriels. « Il n’y a pas de détermination officielle de l’artisan, mais, pour moi, c’est quelqu’un qui élève son métier au rang d’art grâce à un travail manuel, parfois secondé par la mécanisation. » L’ancien MOF insiste : « Sur les 20 gestes nécessaires pour réaliser un bonbon en chocolat, deux sur trois sont manuels. Ici, on fait tout nous-même, de la praline à la pâte d’amandes, en passant par les caissettes en chocolat quand 90% des artisans les achètent. »

Les barquettes, justement, sont au cœur des débats. Fabrice Gillotte a investi un million d’euros dans une machine dédiée. « Nous sommes la plus petite entreprise au monde à en posséder une » sourit-il. Quand une machine n’existe pas, il joue les ingénieurs pour la concevoir comme il l’a fait pour sa machine à extraire le zest d’orange ou de citron. « Quand mes équipes le font à la main, on me traite d’esclavagiste moderne. Quand je crée une machine pour leur épargner ce travail tout en gardant le résultat attendu, on me dit que je ne suis plus un artisan ! »

Face aux contradictions, Fabrice Gillotte reste surtout fidèle à ses convictions, au travail bien fait et à la qualité des produits qui ont fait sa réputation et à la transparence en accueillant qui le demande. A bientôt 60 ans, avec un emprunt de 12 ans à peine signé pour relancer l’entreprise, il reste le passionné qu’il était au premier jour et ne conçoit pas de s’arrêter.