Recul de la consommation bio : l’achat plaisir, plutôt que la transition écolo et la santé

L’engouement des consommateurs pour le bio s’essouffle. Le plaisir et la praticité priment désormais dans les achats alimentaires, reléguant les préoccupations écoresponsables et de santé au second plan. Les Français doutent aussi de l’authenticité des ces produits.

© Adobe Stock.
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L’inflation est venue bousculer le marché du bio, la filière agricole souffre. Mais les consommateurs ont aussi changé de priorités. Le dernier baromètre annuel de perception et de consommation des produits biologiques en France, révélé fin février, lors du Salon de l’agriculture, par l’Agence Bio, et mené avec l’ObSoCo, relate un tournant significatif dans les habitudes alimentaires des Français et leurs motivations à l’achat de produits bio. «Pour la première fois, ce baromètre marque le basculement d’une l’alimentation axée sur des préoccupations santé (- 6 points vs 2022) et environnement (- 9 points vs 2022) vers une alimentation plaisir (+15 points)».

Désormais, 53% des adeptes du bio achètent ces produits pour préserver leur santé, soit une chute de 4 points par rapport à 2022. La baisse est encore plus prononcée pour la préservation de l’environnement, avec seulement 37% des consommateurs évoquant ce motif (-6 points).

Cette évolution se reflète sur les pratiques alimentaires. Hormis la lutte contre le gaspillage, qui reste une priorité, l’importance accordée à l’achat de produits frais et locaux, issus des circuits courts, au «fait maison» et à la réduction des emballages recule.

Le bio face au défi de la praticité

Autre évolution des attentes des consomateurs, défavorable au secteur : les produits bio sont généralement associés à une image d’aliments bruts, alors que les Français sont de plus en plus attirés par la praticité dans leurs achats alimentaires. En effet, 62% parmi eux recherchent ce côté «vite préparé», et 34% considèrent la cuisine comme une corvée (+4 points par rapport à 2022). En conséquence, la demande en produits préparés et pré-emballés augmente dans le but de réduire le gaspillage.

Le baromètre indique aussi que les labels, logos et certifications - qui se multiplient- retiennent moins l’attention des Français lors de leurs courses, comme celle portée au logo AB (Agricultue biologique) (60%, soit -5 points par rapport à 2022), que 93% d’entre eux reconnaissent, et à l’Eurofeuille, le label bio européen (57%, soit -2 points).

Le prix, frein principal à la consommation bio

Mais le prix constitue encore le principal frein pour la majorité des consommateurs, contraints, avec le retour de l’inflation, à des arbitrages pour préserver leur pouvoir d’achat. Ce, qu’ils soient adeptes réguliers (66%), occasionnels (80%) ou non-consommateurs (75%) de produits biologiques. Cette opinion se traduit par une diminution de la fréquence d’achat : en 2023, seulement 30% des Français s’offrent du bio une fois par semaine, en baisse de 4 points, sur un an. La consommation mensuelle est également en recul, passant de 60% à 54% sur la même période. Au premier semestre 2023, la part du bio dans les ventes alimentaires a baissé de 10 % en volume, selon les chiffres de l’Agence Bio (-2,7%,en valeur).

Si le prix pèse sur la consommation à domicile de produits biologiques, les Français aspirent pourtant à une présence accrue du bio dans la restauration collective et commerciale. Ils sont 69% à être intéressés par des repas bio à la cantine scolaire ou d’entreprise, et ce chiffre grimpe à 71% pour les restaurants. Toutefois, 40% d’entre eux jugent l’offre bio insuffisante à la cantine et dans les restaurants et 44% pour les plats à emporter.

Manque de clarté et confusion

L’étude révèle aussi un manque d’information et de compréhension concernant les garanties du bio, tant en matière d’impact sur la santé qu’environnemental. La moitié des sondés manifestent des doutes quant à l’authenticité des produits biologiques et 62% considèrent que « le bio c’est surtout du marketing ». Seuls 41% estiment être suffisamment informés sur l’effet du bio sur la santé (-4 points, comparativement à 2022) et 39% sur l’environnement (-4 points). Les Français attendent ainsi plus de clarté et de transparence sur les garanties du bio pour être convaincus de ses bienfaits. L’un des défis pour sauver une filière agricole en difficulté.

AÏcha BAGHDAD et B.L