Social

L’entreprise et les salariés : du côté des tribunaux

Revue de récentes décisions de justice, en matière de droit du travail.

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Licenciements

Le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts. C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation, laquelle est de moyen, et donc de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités existantes ou qu'un reclassement était impossible, notamment en démontrant qu'à l'époque du licenciement aucun emploi n'était disponible dans l'entreprise ou, s'il y a lieu, dans le groupe auquel elle appartenait. (Poitiers, 17août 2023, n° 21/01359)

Tout licenciement économique suppose réunit cumulativement trois conditions :

- un élément causal, soit des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ou encore la cessation d'activité ;

- un élément matériel, soit la suppression, ou la transformation de l'emploi ou encore la modification du contrat de travail ;

- et le respect de l'obligation de reclassement.

En l'espèce, les difficultés économiques alléguées par l’entreprise n’étaient pas établies et l'obligation de reclassement pas respectée : le licenciement du salarié était donc dépourvu de cause réelle et sérieuse (Colmar, 11 août 2023, n° 21/04499)

La faute grave, privative du droit au délai-congé et à l'indemnité de licenciement, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et nécessite la rupture immédiate des relations contractuelles. (Bordeaux, 03 août 2023, n° 21/06950)

Santé au travail

En l’espèce, la lettre de licenciement faisait état d'absences répétées perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant le remplacement, du salarié, à titre définitif. Toutefois, à la date du licenciement, il avait repris le travail. Or, dès lors que le salarié a repris le travail antérieurement au licenciement, ni l'existence d'une perturbation, ni la nécessité d'un remplacement définitif ne sont établies. Il en résulte que le licenciement n'est pas justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le motif réel du licenciement est donc bien la maladie du salarié susceptible d'être à l'origine de nouveaux arrêts de travail. En conséquence, le jugement sera infirmé et, en application de l'article L 1132-4 du Code du travail, le licenciement déclaré nul. (Colmar, 28 août 2023, n° 21/02822)

Lorsque le salarié est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître de l'application des règles relatives à la rupture du contrat, en particulier pour apprécier le bien-fondé du licenciement pour inaptitude et allouer une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, l'indemnisation des dommages résultant de l'accident du travail relève de la compétence exclusive du tribunal des Affaires de sécurité sociale, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur. (Poitiers, 27 juillet 2023, n° 21/02114)

Procédure disciplinaire

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, l'employeur doit apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire. La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s'il s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai. Le délai de deux mois s'apprécie du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié. (Pau, 02 août 2023, n° 20/02732)

François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale