L’entreprise et les salariés

Revue de récentes décisions de justice en matière de droit du travail.

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Licenciements

L'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'il procèdent de faits distincts. Dès lors, ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée, en plus d'un manquement qualifié de fautif et prescrit, des griefs correspondant à des manquements professionnels relevant d'une insuffisance professionnelle, la cour d’appel devait rechercher si ces derniers ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. (Cass soc., 3 avril 2024, pourvoi n° 19-10747)

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une faute grave. (Paris, 6, 7, 4 avril 2024, RG n° 21/02362)

L’insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi. Si l'appréciation de l'insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l'employeur, ce dernier doit invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables imputables au salarié. (Paris, 6, 7, 4 avril 2024, RG n° 21/02462)

L’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. (Paris, 6, 7, 4 avril 2024, RG n° 21/02462)

Le fait de licencier un salarié protégé sans respecter la procédure spécifique entraîne la requalification en licenciement nul. Pour bénéficier de la protection au titre de l'imminence de la candidature aux élections professionnelles, le salarié doit rapporter la preuve que son employeur en était informé, avant d'engager la procédure de licenciement. (Paris, 6, 7, 4 avril 2024, RG n° 21/02362)

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles (art. L. 1231-1 du Code du travail et 1224 du Code civil). Par ailleurs si, ayant engagé l'instance en résiliation de son contrat de travail, le salarié a continué à travailler au service de l'employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur. La réalité et la gravité des manquements sont appréciés à la date où la juridiction statue et non à la date où ils se sont prétendument déroulés. Il appartient au salarié d'établir la réalité des manquements reprochés à son employeur et de démontrer que ceux-ci sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. (Paris, 6, 10, 4 avril 2024, RG n° 22/07452)

Santé au travail

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il lui revient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. (Cass soc., 3 avril 2024, pourvoi n° 23-11767)