Ecologie

Entre avancées et reculs, le droit de l’environnement continue de progresser en France

Comment interpréter les remises en question dont fait l’objet le droit de l’environnement en France et en Europe depuis quelques mois ? Est-ce l’amorce d’un véritable recul ou la poursuite d’une course d’obstacles entamée il y a 50 ans ?

(c) Adobe stock
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Assiste-t-on actuellement à un « backlash » écologiste en France et en Europe ? Les attaques portées au droit de l’environnement depuis plusieurs mois par le gouvernement et certains parlementaires constituent-elles un « retour de bâton », en réaction aux avancées acquises dans ce domaine ? « Il n’y a pas de front uni contre le droit de l’environnement », a répondu Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement, lors d’un récent webinaire organisé par l’Association des journalistes de l’environnement. Et puis, « il faut bien faire la différence entre les discours, les déclarations, et leur traduction dans la loi ».

Toujours des avancées, y compris au niveau législatif

Sur le terrain, « au niveau des collectivités territoriales, il y a beaucoup d’initiatives heureuses », a rappelé l’avocat, ainsi que « des bonnes nouvelles telles que le dernier rapport AirParif » qui établit que les concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote ont été divisées par deux en vingt ans, en Ile-de-France.

Au niveau législatif, « des parlementaires continuent de proposer des choses pour faire avancer le droit de l’environnement » et ce, « même si on entend beaucoup les autres ». La récente adoption de la loi visant à protéger la population des risques liés aux PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) « montre qu’il est possible de faire des consensus dans l’intérêt général ». Quant à la reconnaissance de l’« intérêt général majeur » de l’agriculture et de la pêche par la loi d’orientation agricole, « le Conseil d’État a dit que ces dispositions n’ont pas de valeur normative », « c’est un message politique ».

Et au niveau européen, l’UE a définitivement adopté la directive sur le greenwashing (relatives aux allégations environnementales trompeuses) en 2024, et l’entrée en vigueur des dispositions des directives CSRD (sur le reporting de durabilité) et CS3D (sur le devoir de vigilance) a été « décalée, mais pas abandonnée ».

Un mouvement de recul et des mauvaises nouvelles

En dépit de certaines avancées, les attaques au droit de l’environnement se sont néanmoins multipliées ces derniers mois. « Nous avons déjà eu des cycles à la baisse par le passé », a rappelé l’avocat. C’est ce qui s’est passé, par exemple, avec la loi Grenelle 2, qui est venue décliner les grandes orientations de la loi Grenelle 1. Or, le mouvement de recul actuel survient après « le Green Deal européen, qui a produit beaucoup de textes ». Autre facteur qui contribue à ce phénomène de repli : l’existence « de dispositifs trop compliqués, qui mériteraient d’être simplifiés ».

Parmi les « mauvaises nouvelles » pointées par l’avocat figure la suppression des zones à faibles émissions (ZFE, territoires dans lesquels la circulation de certains véhicules peut être restreinte pour réduire la pollution de l’air), envisagée par le projet de loi de simplification de la vie économique, en cours d’examen au Parlement.

Autre « mauvaise nouvelle », selon lui : la récente « remise en cause de la feuille de route énergétique de la France » par le Premier ministre, François Bayrou. Lors d’une déclaration à l’Assemblée nationale fin avril, ce dernier a en effet annoncé le report « d’ici la fin de l’été » de la publication des décrets relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie 2025-2035. Cette feuille de route doit permettre à la France de diminuer la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique de 60 % aujourd’hui à 30 % en 2035. Or, les objectifs de développement du solaire et de l’éolien ont été revus à la baisse, car une grande partie des panneaux photovoltaïques et des éoliennes sont importées en France. « Le consensus sur les énergies renouvelables s’est fendillé », au profit du nucléaire.

Cinquante ans que ça dure, et le droit de l’environnement progresse malgré tout

Autre source d’inquiétude pour les défenseurs du droit de l’environnement : le soutien du gouvernement à la proposition de loi « portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie ». L’article 11 de ce texte prévoit « un affaiblissement de l’objectif de réduction des gaz à effet de serre », alerte Arnaud Gossement : en remplaçant « réduire » par « tendre vers une réduction » des gaz à effet de serre, « cet article remet en cause nos engagements envers l’Accord de Paris ». Adoptée au Sénat, la proposition de loi sera débattue mi-juin à l’Assemblée nationale.

Fondateur et président honoraire de la Société française pour le droit de l’environnement, le professeur Michel Prieur juge qu’en dépit des attaques dont le droit de l’environnement fait l’objet ce phénomène de backlash n’est pas préoccupant. « Ce n’est pas nouveau. Nous sommes dans une continuation politique du ‘ça commence à bien faire avec l’environnement’. Cela fait cinquante ans que ça dure, et le droit de l’environnement progresse malgré tout. »

Miren LARTIGUE