Toutes les feuilles de route mènent-elles au plan de relance européen ?

Les États membres de l’Union européenne (UE) soumettent leur feuille de route à la Commission européenne, dans l’espoir de bénéficier au plus vite de la manne du plan de relance européen de 750 milliards d’euros…

Toutes les feuilles de route mènent-elles au plan de relance européen ?

En juillet 2020, les 27 États membres de l’UE avaient décidé de s’endetter en commun pour financer un plan d’aide européen de 750 milliards d’euros baptisé Next Generation EU. Plus précisément, cette somme serait empruntée par la Commission au nom de l’UE et ensuite redistribuée vers les États membres, soit sous forme de subventions (390 milliards d’euros), soit de prêts (360 milliards d’euros). D’aucuns ont voulu y voir les prémices d’une dette commune de type eurobonds, mais ce serait oublier que l’on reste loin d’un financement européen mutualisé des déficits publics nationaux. Tout au plus, s’agit-il d’une réponse commune au risque d’effondrement de l’économie européenne…

Les âpres négociations entre les 27 sur le montant et la forme de ces aides démontrèrent, du reste, le peu d’entente qui régnait entre les chefs d’État, alors même qu’il y avait le feu au lac ! Les « frugaux » (Danemark, Autriche, Suède et Pays-Bas) refusaient que les aides soient versées sans contrepartie clairement définies, tandis que les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie) redoutaient qu’elles soient liées à des critères de respect des droits de l’Homme. Et c’est tout l’art de la négociation politique en Europe, que de réussir à obtenir, en définitive, un accord qui semble — au moins en apparence — satisfaire tout le monde…

Premiers versements espérés en septembre

En tout état de cause, il fut décidé que chaque État membre devrait transmettre son programme de relance national à la Commission européenne avant le 30 avril 2021, même si, selon son vice-président, « il ne faut pas se fixer sur la date, mais sur la qualité ». D’où les plusieurs dizaines de milliers de pages pour chaque document et un luxe de détails, dont s’est ému le président du conseil italien, Mario Draghi ! Il est vrai que la Commission redoute une foire d’empoigne lors de l’ultime validation à la majorité qualifiée par le Conseil de l’UE : peut-on imaginer l’Allemagne retoquer publiquement la feuille de route de la France, pour ne citer qu’un exemple ? D’où, l’ouverture de discussions très en amont avec les capitales et un délai de deux mois pour l’approbation des programmes nationaux, selon des critères, très flous, « d’efficacité, de cohérence et de garanties contre la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts ». Au reste, dans un geste théâtral, la France et l’Allemagne ont décidé de transmettre au même moment leur programme, tout en organisant une conférence de presse commune, pour marteler la (prétendue) convergence de vue des deux États.

Quoi qu’il en soit, il est à espérer que les parlements nationaux se mettront tous en ordre de marche pour autoriser la Commission européenne à emprunter les fonds sur le marché, d’autant qu’entre les difficultés à former un gouvernement aux Pays-Bas et les manœuvres dilatoires de la Hongrie, les premiers versements aux États ne pourraient être effectués, au mieux, que vers le mois de septembre… et le reliquat entre 2022 et 2023 !

Conditions et contreparties

Le plan européen (subventions ou prêts) prévoit qu’au moins 37 % des sommes allouées doivent servir à la transition écologique et au moins 20 % à la transition numérique, excluant de facto le financement des dépenses budgétaires ordinaires. Par ailleurs, sans explicitement viser la Hongrie et la Pologne, le versement des fonds sera conditionné au respect de l’Etat de droit. Avec son « plan national de relance et de résilience », qui fait la part belle aux investissements verts (50 %) et à la transition numérique (25 %), la France espère ainsi bénéficier de 40 milliards d’euros pour financer les 100 milliards d’euros annoncés en septembre dernier.

Plus délicat, les pays bénéficiaires doivent également mener certaines réformes structurelles recommandées par Bruxelles dans le cadre du semestre européen. Lesquelles ? Pour la France, la réponse du locataire de Bercy est particulièrement édifiante : « la Commission ne vient pas nous imposer de nouvelles réformes, elles ont été validées par le peuple français ». On y trouve entre autres la réforme de l’assurance-chômage et l’adoption d’une règle de limitation des dépenses publiques, mais le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, assure que la réforme des retraites n’est pas une condition imposée par Bruxelles et « qu’aujourd’hui la priorité est d’investir massivement, pas de consolider les finances publiques ». Il n’empêche, la Commission européenne a exigé un calendrier précis pour la réforme des retraites, pourtant extrêmement dangereuse politiquement, à un an du scrutin présidentiel. Mais les États seront-ils vraiment en mesure de dépenser efficacement de tels montants entre 2021 et 2023 ?