Trois questions à Pauline Lahary, fondatrice de myCVfactory

Recrutement : «On peut facilement cerner un candidat grâce à la visio».

Malgré la crise sanitaire, les recrutements se poursuivent, via des entretiens à distance. A l'heure du télétravail imposé, les recruteurs portent davantage leur attention sur les qualités comportementales des candidats ou « soft skills ». Pauline Lahary, fondatrice de myCVfactory, plateforme digitale lancée en 2014 qui accompagne les candidats dans leur recherche d’emploi, fait le point sur les compétences clés de demain.

Pauline Lahary, fondatrice de myCVfactory. (c) myCVfactory.
Pauline Lahary, fondatrice de myCVfactory. (c) myCVfactory.

Qu’est qui a changé en termes de recrutement avec la crise ?

La crise n’a fait qu’accélérer des mouvances déjà en marche. Si les recruteurs avaient déjà tendance à se focaliser sur les soft skills des candidats, ces compétences douces qui relèvent plus du savoir-être que du savoir-faire –capacité à travailler en équipe, à gérer son temps, à résoudre des problèmes, affronter les conflits, s'adapter à de nouveaux projets...–, la crise a confirmé cette tendance. Les tests de personnalité sont au cœur de la stratégie de recrutement. Assez rapides, ils permettent de dresser, en 45 à 50 questions d’ordre général –soit trois quarts d’heure à une heure de temps–, un portrait précis du candidat. Les questions sont variées : comment il réagit dans telle ou telle situation, ce que ses amis disent de lui, quel genre de collaborateur il est, comment il fonctionne en groupe, avec quel type de personnalité il s’entend, s’il est à l’aise avec la hiérarchie, avec les règles, etc. Cela permet à la fois de dégager ses points forts et de les comparer avec les collaborateurs actuels de l’entreprise, pour voir si cela peut matcher.

Quelles sont les compétences les plus recherchées par les recruteurs ?

Parmi les compétences les plus attendues aujourd’hui figurent la rigueur, l’autonomie, le sens de l’organisation et la prise d’initiative. Si le sens de l’organisation était auparavant une compétence simple et banale, elle prend tout son sens avec la crise. Les recruteurs recherchent des personnes qui n’ont pas peur de travailler seul, de manière isolée, et parfois dans l’ombre depuis leur salon, car 90% du travail se fait en télétravail. Ce qui pouvait être présenté avant comme des défauts deviennent des atouts : s’il pouvait être mal vu d'aimer travailler seul, craignant des personnalités trop introverties, aujourd'hui, cela devient une qualité à valoriser. Si auparavant il pouvait être mal interprété de valoriser l'hyper-discipline et la rigueur, au risque de passer pour une personne trop rigide, aujourd'hui, valoriser sa faculté à s'autodiscipliner en télétravail est un atout : pour pouvoir durer dans le temps, le candidat doit être capable de s’appliquer une certaine discipline en termes de rythme et d’horaires, sans se laisser perturber par des éléments du quotidien et sans faire des horaires à rallonge. Beaucoup de personnes autour de moi ont fait un burn-out car elles n’étaient pas suffisamment organisées. Autre point à valoriser, la pratique sportive, qui montre que le candidat prend soin de son équilibre et de sa santé. Par ailleurs, certains points de détail, auparavant insignifiants et anonymes, ressortent, comme, par exemple, le lieu de vie. Si vous habitez une maison à Chartres, cela signifie que vous serez plus à l’aise pour faire du télétravail que dans un petit appartement parisien.

Propos recueillis par Charlotte DE SAINTIGNON

Comment le recruteur peut-il évaluer les soft skills d’un candidat ?

Organiser trois ou quatre visioconférences permet de mieux cerner un candidat que par téléphone. Les vidéos en direct permettent de découvrir une personne et montrent beaucoup de choses, par exemple, si elle est plutôt spontanée, rationnelle ou réfléchie. A la différence d’un cv vidéo, où le candidat a la possibilité de refaire les prises et de travailler sa présentation, une conversation en visio ne trompe pas. Par ailleurs, la technique ancestrale qui consiste à appeler les anciens managers ou collègues de travail du candidat revient au goût du jour. Si avant, les recruteurs fonctionnaient beaucoup via les conseils réseau, cela est moins vrai aujourd’hui avec l’arrêt des déjeuners d’affaires. Pour s’assurer de faire le bon choix, les recruteurs sollicitent trois ou quatre anciens responsables ou collègues de travail du candidat. Sans être des managers directs, l’avis des collaborateurs permet d’avoir un autre son de cloche, plus direct, et d’avoir leur ressenti sur ce qu’est la personne au quotidien, comment elle interagit avec les autres, comment elle réagit dans un cadre-projet etc. Même si ces contacts sont fournis par le candidat lui-même, le rôle du DRH, en posant des questions précises et concrètes, est de cerner le genre de personne qu’est le candidat et de le faire accoucher de ses défauts, comme de ses qualités.

Propos recueillis par Charlotte DE SAINTIGNON