Quand le crédit se fait cher…

Selon les chiffres publiés par la Banque de France, les conditions d’obtention d’un crédit se sont durcies depuis un an, tant pour les ménages que les entreprises, ce qui a des conséquences sérieuses sur l’économie…

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Le temps où les ménages français avec un très bon dossier pouvaient emprunter à moins de 0,7 % sur 20 ans est définitivement révolu ! Désormais, un taux à 3,3 % sera considéré comme très compétitif sur le marché immobilier pour les particuliers. Il est vrai que depuis la fin de la pandémie, l’inflation a fait son grand retour et pèse sur les taux d’intérêt. La Banque centrale européenne (BCE) cherche, depuis quelques mois, à enrayer cette hausse des prix à la consommation, mais force est de constater que le resserrement des taux directeurs n’a pour l’instant pas eu d’effet notoire sur l’évolution de l’inflation. En revanche, le TAEG (Taux annuel effectif global, qui inclut les frais et assurances) des prêts continue à augmenter…

La production de prêts à l’habitat en berne

Le crédit immobilier a assurément perdu de son dynamisme depuis un an, même en tenant compte des renégociations de prêts : alors que la production de nouveaux crédits à l’habitat s’élevait à plus de 26 milliards d’euros en juin 2022 (montant moyen : 208 000 euros), elle peine à dépasser les 14 milliards ce premier trimestre (montant moyen : 199 000 euros). Et malgré les appels à en réduire la durée, les nouveaux prêts immobiliers ont toujours, à près de 60 %, une maturité comprise entre 20 et 25 ans, seule solution parfois pour permettre aux ménages de conserver un taux d’effort moyen de 30 %, lorsque les taux sont élevés.

D’aucuns y voient les conséquences de la réglementation sur l’usure, ce plafond de TAEG imposé aux établissements de crédit (5,09 % depuis juillet pour les prêts immobiliers à plus de 20 ans). Fixé à la fin de chaque trimestre pour le trimestre suivant par la Banque de France, le taux d’usure a été accusé de limiter la capacité d’endettement des ménages. D’où sa révision mensuelle depuis le 1er février 2023, afin d’accélérer le traitement des demandes et de lever les réticences des établissements de crédit, qui craignaient de ne pas pouvoir répercuter la hausse de leurs coûts de refinancements sur les TAEG.

Mais alors que ce problème est en passe d’être réglé, la hausse des taux d’intérêt va peser lourdement sur les budgets d’achat des ménages, à un moment où les prix immobiliers demeurent hauts. Cela les conduira à revoir à la baisse leur projet immobilier, et donc les demandes de crédit. À moins que les autorités ne relâchent les contraintes sur le taux d’effort et la durée des prêts, ce qui au demeurant pourrait être le prélude à une nouvelle crise d’insolvabilité… Toujours est-il qu’en face, les établissements de crédit se montrent pour l’instant frileux à prêter à une clientèle au pouvoir d’achat réduit, dans un marché immobilier à l’évolution incertaine et à la qualité des biens parfois dégradés.

Crédit cher pour les petites entreprises

Selon la Banque de France, au premier trimestre 2023, la proportion d’entreprises ayant sollicité de nouveaux crédits est stable et même en légère augmentation pour les crédits d’investissement demandés par les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Mais si le taux d’obtention de crédits d’investissement demeure à un haut niveau, cela se fait désormais à un coût plus élevé. Quant aux demandes de nouveaux crédits de trésorerie, ils restent à un niveau bas tant pour les très petites entreprises (TPE), les PME que les ETI. Sans surprise, ce sont les TPE qui, après avoir été battues par des vents contraires durant la pandémie, ont le plus de difficultés à convaincre les établissements de crédit de leur prêter des fonds. Ainsi, au mois d’avril, alors que le coût moyen des crédits bancaires aux sociétés non financières était proche des conditions de marché (3,94 %), et quasiment en constante augmentation depuis un an, l’écart reste important entre les TPE et les grandes entreprises.

Ces tensions sur le marché du crédit bancaire, amplifiées par les difficultés de remboursement des prêts liés à la pandémie comme les PGE (Prêts garantis par l’État), poussent dès lors les TPE vers d’autres moyens de financement, comme le financement participatif (crowdfunding), même s’il reste encore marginal. Il s’agit alors, non plus de convaincre des banquiers d’apporter de l’argent frais à l’entreprise, mais des particuliers qui pourront le faire sous forme de prêt ou de titres (obligations convertibles ou non en parts de capital). Cette solution a un coût, estimé entre 7 et 10 % par an, soit près du double de celui pratiqué par une banque, ce qui, au-delà du risque lui-même, traduit une plus grande difficulté pour les sociétés de crowdfunding à l’estimer et à le diversifier.

Indubitablement, le volume de prêts produits a des effets, non seulement sur la demande de biens (pas seulement immobiliers) et de services, mais aussi sur les capacités d’investissement et la profitabilité des entreprises. Et l’analyse faite pour la France vaut, mutatis mutandis, pour les autres pays membres de l’Union européenne. C’est dire l’ampleur de la problématique du crédit cher en Europe, où l’essentiel du financement passe encore par des banques…