Mobile, Internet et fibre optique : les opérateurs sous surveillance

Selon l’Arcep, régulateur des télécoms et d’Internet, la satisfaction globale des abonnés est restée stable d’une année sur l’autre en 2023, qu’il s’agisse de la téléphonie fixe ou mobile. Ce n’est pas tout à fait l’avis d’associations de consommateurs et d’usagers telles que l’AFUTT.

source ARCEP 04/2024 Niveau de satisfaction de votre opérateur mobile / accès à internet. Note de 0 à 10
source ARCEP 04/2024 Niveau de satisfaction de votre opérateur mobile / accès à internet. Note de 0 à 10

Les données de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, postes et distribution presse) proviennent de deux sources : un sondage IFOP - crédible - réalisé fin 2023 et des réclamations postées sur la plateforme « J’alerte », installée depuis 2018 par l’agence nationale. En face, l’AFUTT, association représentant des usagers du téléphone et d’internet, tient à jour, depuis plus de 15 ans, un observatoire avec des données mensuelles et un bilan annuel.

Notes discutables pour les mobiles

S’agissant des réseaux mobiles, les opérateurs obtiennent, selon l’Arcep, des notes sur 10 très proches, situées entre 7 et 8 en moyenne : 7,3 pour SFR, 7,5 pour Bouygues, 7,7 pour Free et 7,8 pour Orange. Commentaire : « Ces notes sont meilleures que celles attribuées aux opérateurs d’accès à Internet fixe ».
Pour l'association indépendante AFUTT, « ce ne sont pas de bonnes notes » et, même, pour certains services, de « très mauvais scores (entre 6 sur 10 pour SFR et 6,6 pour Free, par exemple), des notes qui ne s'améliorent pas d'année en année. Dans le marketing, les notes de 9 et 10 sont considérées comme de bonnes et très bonnes performances, alors que 0 à 6 sont de mauvaises notes ; et 7 et 8 sont insuffisantes », observe Pierre-Yves Hébert, VP de l’AFUTT (responsable de l’Obervatoire télécom/internet).

« Dans la téléphonie mobile, 50% des utilisateurs ont rencontré au moins un problème dans l'année », ajoute Bernard Dupré président de cette association. « Il s’agit majoritairement de problèmes de qualité de service, en augmentation par rapport à 2022. Le ‘new deal mobile’ négocié avec les opérateurs mobiles n’a pas eu tous les effets escomptés », selon lui. Pour rappel, en janvier 2018, au moment de négocier de nouvelles licences et fréquences, les opérateurs avaient pris l’engagement avec l’Arcep et le Gouvernement d’accélérer la couverture mobile des territoires. « S’il y a pu avoir des améliorations de la performance des réseaux mobiles, elles ne sont pas perçues ou que faiblement », constate l’AFUTT, qui déplore également que « la voix sur wifi, utilisée par 25% des usagers, diminue alors que le nombre de téléphones et de forfaits compatibles augmente ».

Fidélité des usagers des mobiles

L’étude IFOP de l’Arcep, basée sur la méthode des quotas socio-professionnels auprès de 4 003 consommateurs adultes (donc fiable), fournit des informations intéressantes, par exemple sur la fidélité des clients : 55% sont chez le même opérateur mobile depuis cinq ans (surtout chez Free et Orange) et, dans la téléphonie fixe, 57% restent plus de cinq ans chez le même opérateur.

L’observatoire de l’Arcep montre aussi que les utilisateurs répondent de moins en moins aux appels d’origine inconnue. Ainsi 65% déclarent ne jamais décrocher ou rarement aux appels dont ils ne reconnaissent pas le numéro, contre 57% en 2021.
La plateforme « J’alerte » de l’Arcep a reçu 45 000 alertes directement sur un total de 53 000 réclamations reçues en 2023. Les réclamations concernant les téléphones mobiles ont enregistré une forte progression (+23%), principalement liée à des fraudes ou tentatives de fraudes et à des appels indésirables, lesquels ont doublé par rapport à 2022.

Connexions à Internet et fibre optique

Selon l’Arcep, 55% des utilisateurs d’accès à Internet ont rencontré au moins un problème en 2023 (49%, si l’on retranche les démarchages considérés comme intempestifs) ; et 30% concernent une « mauvaise qualité Internet » et 18%, une « mauvaise qualité TV ».

Plus inquiétant, selon l’AFUTT : « Le passage d’un technicien au domicile ou dans les parties communes d’un immeuble génère, en moyenne une dégradation de 10% de la qualité de la liaison. Et un récent reportage de TF1 indiquait que 57% des problèmes ne sont pas résolus dans les 35 jours et 43% dans les deux mois ».

S’agissant de la connexion à Internet, l’Observatoire de la satisfaction client 2023 de l’Arcep constate que « La qualité de service des réseaux, notamment ceux de la fibre optique, reste problématique ». Dans un de ses commentaires, l’Autorité de régulation observe également : « Le nombre de plaintes reçues sur la plateforme ‘J’alerte’ a augmenté de 200 % depuis 2019, principalement à cause de problèmes rencontrés sur la fibre ». A noter que 82% des signalements reçus concernent l’accès fixe à Internet, très majoritairement via la fibre optique.

L’Arcep reconnaît être encore occupée à surveiller les engagements pris par les opérateurs, notamment dans les zones dites AMII (appel à manifestation d'intention d'investissement) comptant environ 3 000 communes ; les opérateurs s’y sont engagés à rendre 100 % des lieux « raccordables » (dans ce dossier, Orange a été sanctionné à hauteur de 23 M€, fin 2023).

Difficiles migrations de l’ADSL vers la fibre

De son côté, l’AFUTT, qui a enregistré une hausse globale de 20% des réclamations en 2023, relève des signes d’inquiétude sur la détérioration du réseau fibre : « Les problèmes déclarés augmentent, alors que le nombre de lignes est globalement identique ; il s’agit principalement d’une migration des abonnés de l’ADSL vers la fibre ; c’est elle qui génère une explosion des plaintes. Cela tend à montrer que la qualité de service de la fibre est très inférieure à celle de l’ADSL sur réseau cuivre ; or, elle ne s'améliore pas au fil des années. »
Selon l’association, la part des plaintes du secteur Internet par rapport au secteur mobile continue de croître « de façon quasi continue depuis 2012 et atteint en 2023 un niveau record (86% vs 14%) ». « Cela reste préoccupant alors que les technologies mobiles sont, elles aussi en profonde évolution et que le nombre de clients du secteur mobile représente plus de deux fois celui du secteur fixe ».

Pour 58% de ces cas, les réclamations adressées à l’AFUTT concernent des interruptions de service, devant le manque d’accès à l’information et à la tarification, des problèmes de livraisons ou installations, des difficultés de résiliation de contrats et des problèmes de maintenance.

Pierre MANGIN