Loi Macron : le Conseil supérieur du notariat appelle à des réformes de la réforme

Loi Macron : le Conseil supérieur du notariat appelle à des réformes de la réforme

À l’occasion du 116e congrès des notaires de France, l’institution représentative de la profession, qui a signé une convention d’objectifs avec l’État, a réitéré ses demandes d’aménagement de l’application des dispositions de la loi pour la Croissance visant le notariat. 

Avec la crise sanitaire, « nous avons vécu une situation qui nous rappelle que tout peut basculer », « l’inimaginable vient parfois nous surprendre et nous écraser », a déclaré le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), Jean-François Humbert, dans son discours d’ouverture du congrès annuel de la profession, le 8 octobre, à Paris, en présence du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. 

Mais « le notariat a tenu bon face à cette épreuve, grâce à l’engagement des professionnels et des instances », « grâce à ses structures, ses outils », a-t-il poursuivi. « Le notariat a tenu ferme grâce aussi à la qualité du dialogue avec la Chancellerie. En trois semaines a été mise en place la comparution à distance, qui a permis de faire remonter d’environ cinq points l’activité du notariat qui était en chute libre depuis la mi-mars. » Et « le notariat sortira plus fort de cette épreuve » parce que cette crise « a réaffirmé l’importance et testé la robustesse de notre organisation collective » et parce que la profession a « mis sur pied un plan de relance ». 

L’expérimentation de l’acte notarié à distance prolongée

Autre enseignement tiré de cette crise : le succès de l’acte notarié à distance, qui « a révélé un appétit certain de la part des clients », a déclaré le président du CSN. « Même si le notariat reste profondément attaché au face à face, on ne peut ignorer cette demande sociale, en particulier des Français de l’étranger. On ne peut non plus ignorer ce qui nous permettra dorénavant d’éviter le recours à des procurations sous seing privé. » 

Aussi, le Conseil supérieur du notariat a-t-il étudié, avec le ministère de la Justice, la possibilité de pérenniser cette expérimentation. Afin de pouvoir évaluer l’impact d’une telle pérennisation, la Chancellerie a décidé « de circonscrire, dans un premier temps, la faculté de rédiger des actes notariés à distance aux seules procurations, avant d’étendre, le cas échéant, ce dispositif à l’ensemble des actes notariés », a déclaré le garde des Sceaux.  Le décret « devrait être publié courant novembre », a précisé Éric Dupond-Moretti..

Haro sur l’octroi de la force exécutoire aux actes d’avocats

L’institution représentative de la profession souhaite également réaffirmer la place du notaire au cœur de notre société, en commençant par « sanctuariser sa place originale », a pointé Jean-François Humbert. « La force exécutoire n’est pas la force obligatoire, et inversement. Si je m’inscris en faux contre la proposition 8 du rapport de Dominique Perben, et si le notariat entier est prêt à se lever en masse contre cette proposition, ce n’est pas par hostilité aux avocats, ce n’est pas pour garder un avantage, c’est parce que l’octroi de la force exécutoire aux avocats, même pour un très petit périmètre, serait un défi à la logique, un affront à la raison, et surtout, une entorse à l’État de droit. » 

Loi Croissance : des réformes dans la réforme

Cinq ans après la réforme imposée par la loi Macron, qui a fait augmenter de 50% le nombre de notaires en l’espace de quatre ans, « il faut avoir le courage de le dire, la lucidité de le reconnaître, cette réforme a remis le notariat en mouvement », a déclaré le président du CSN. Mais « elle présente des failles », a-t-il immédiatement ajouté, avant de renouveler certaines des demandes formulées par le CSN dans un rapport rendu public mi-septembre : mettre fin au tirage au sort pour la création des offices, « un système antirépublicain, contraire au mérite, et qui a piégé des centaines de créateurs dans des situations où ils n’auraient jamais voulu être » ; mettre fin à la révision de la carte d’installation sur une base biannuelle, « un rythme insensé », alors que la loi prévoit un délai de cinq ans ; et rééquilibrer la manière dont s’exercent les pouvoirs consultatifs de l’Autorité de la concurrence. 

« J’entends votre souci d’améliorer les choses », a répondu le garde des Sceaux, mais « pour l’heure, il n’est cependant pas question de revenir sur le principe du tirage au sort ». Le système sera toutefois « perfectionné » : il se fera de manière électronique. Concernant les avis de l’Autorité de la concurrence, « il s’agit de propositions », et « si pour les deux premières cartes, le gouvernement a suivi l’avis de l’Autorité, cela ne signifie pas qu’il est tenu de le faire », a relevé le ministre. La Chancellerie va par ailleurs très prochainement rendre publics les résultats d’une enquête réalisée auprès des nouveaux notaires issus de la première vague de nominations pour évaluer leur situation.

Autres chantiers toujours en cours : discipline, formation et retraite

La profession souhaite également mener à bien deux chantiers déjà bien avancés : les réformes de la discipline et de la formation. « Je souhaite lancer dans les prochaines semaines le chantier de la réforme de la discipline », a déclaré le garde des Sceaux, et « la Chancellerie est ouverte aux échanges sur une réforme de la formation ». 

Autre dossier sur lequel le président du CSN a invité le gouvernement « à se hâter lentement » : la réforme des retraites. « Nous ne sommes nullement hostiles à une réforme [des régimes de retraite] mais l’universalité d’un régime ne doit pas conduire à mutiler le pacte social de nos études qui est en vigueur depuis 1937, ni uniformiser au-delà de ce qui est nécessaire le régime des notaires eux-mêmes. Un régime universel, peut-être, mais qui n’interdit pas les spécificités de nos professions, surtout lorsqu’elles n’ont aucun coût pour d’autres que nous

Renouveler « le pacte avec l’État » 

Ultime conviction portée par l’institution représentative des notaires de France : « la relation à l’État doit être revitalisée, enrichie, renouée », car la loi Croissance a « brouillé les bornes et les repères », et « nous voulons tourner la page de cette période de flou et d’ambiguïté que nous traversons depuis cinq ans », a expliqué son président. C’est l’objet de la convention d’objectifs avec l’État signée ce jour-là avec le ministre de la Justice, une convention qui « est un pacte renouvelé entre les notaires de la République et l’État ». Le texte, qui couvre la période 2020 et 2024, doit être cosigné par Bercy.

Miren LARTIGUE