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Les embauches des cadres toujours au beau fixe

Malgré la crise et le ralentissement de la croissance, la dynamique de l'emploi cadre se maintient au premier trimestre 2023. Mais les recruteurs doivent toujours faire face à des tensions de recrutement, selon les résultats du dernier baromètre trimestriel de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) sur les intentions d'embauches.


Les embauches des cadres toujours au beau fixe

Onze semaines. C’est le délai moyen pour recruter un cadre aujourd’hui. Pour rappel, ce délai était auparavant de neuf semaines. Autre chiffre qui atteste de ces difficultés de recrutement pour les entreprises, en 2022, six entreprises sur 10 ont rencontré des difficultés de recrutement et un quart d’entre elles ont dû abandonner au moins un recrutement faute de candidatures. Des difficultés qui vont perdurer à « haut niveau » en 2023, prévient l’Apec, avec 79% des entreprises qui anticipent leurs recrutements de cadres ce premier trimestre, comme « difficiles », dont un tiers comme « très difficiles ». Des difficultés qui ont un impact non négligeable sur leur activité économique.

Sourcing et marque employeur

Malgré une croissance atone, les entreprises semblent toujours enclines à recruter en ce début d'année, notamment des cadres : les intentions de recrutement à trois mois progressent dans les grandes structures (62 % ; + 6 pts) et les PME (19 % ; + 4 pts). Pour surmonter les difficultés de recrutement, certaines font évoluer leurs pratiques RH. Ainsi, plus de la moitié d’entre elles ont renforcé ou diversifié le sourcing des candidatures, 40% ont retravaillé leur marque employeur, 38% repensé l’expérience candidat, et un tiers ont fait évoluer les entretiens de recrutement. Par ailleurs, les entreprises ont davantage recours à l’approche directe de candidats. Elles revoient également à la baisse leurs exigences. Ainsi, 41% confient avoir recruté un cadre n’ayant pas toutes les compétences techniques et 36% ayant moins d’années d’expérience. Un tiers des entreprises sont allées jusqu’à « redéfinir significativement » les missions et responsabilités du poste. En termes de proposition, 56% d’entre elles (soit +9 points, par rapport à 2021) avouent avoir révisé à la hausse la rémunération proposée par rapport à ce qu’elles avaient initialement prévu.

De la rémunération à la reconstruction d’une dynamique collective

Pour fidéliser certains cadres et attirer de nouvelles compétences, les entreprises doivent

adapter les politiques de rémunération au contexte inflationniste. Il faut savoir que la première motivation des cadres lorsqu’ils changent d’entreprise est le souhait de gagner plus. 53% des entreprises ont ainsi mis en place des mesures spécifiques pour le soutien du pouvoir d’achat en 2022 et 37% ont versé une prime de partage de la valeur. Autre enjeu, répondre aux nouvelles aspirations des cadres. Si une grande majorité d’entre eux se déclarent investis dans leur travail, fiers de faire partie de leur entreprise et attachés à elle et que 77% sont satisfaits de la relation avec leur manager, ils ont néanmoins un sentiment de surinvestissement et un besoin d’équilibre vie professionnelle/ vie personnelle. Ainsi, 55% déclarent avoir une charge de travail insurmontable, 54% faire face à un sentiment d’épuisement professionnel, 54% à un niveau de stress intense et 51% à une impossibilité à décrocher du travail le soir et le week-end, voire pour 39% d’être envahi par un sentiment de déprime, voire de dépression. Soucieux pour leur évolution professionnelle –41 % sinquiètent pour leurs perspectives d’évolution s’ils restent au même poste (+3 pts vs T4) au premier trimestre 2023, dont 46 % des seniors (+3pts)–, ils songent à se reconvertir. Un cadre sur trois envisagerait une reconversion pour retrouver du sens au travail ; avoir de meilleures conditions de travail ou fuir un sentiment d’ennui, de lassitude. Mais dans les faits, seuls 8 % ont entamé des démarches concrètes.

Autre problématique, la détérioration de la dynamique collective. En septembre 2022, 53% des cadres se montraient réticents à rejoindre une entreprise ne proposant pas de télétravail, tout en reconnaissant que celui-ci a des impacts négatifs sur différentes dimensions au sein même de l’entreprise, telles que le sentiment d’appartenance à un collectif de travail ou la qualité de la relation avec les collègues et la capacité à collaborer avec d’autres membres de l'équipe. Charge donc aux entreprises de reconstruire également une dynamique collective. Les managers sont attendus pour faire évoluer leurs pratiques de management, notamment pour communiquer davantage, montrer plus de reconnaissance et les faire participer aux décisions.

Changer de regard sur les seniors

Dernier enjeu et non des moindres, pour les entreprises, changer le regard et les pratiques sur les seniors. La discrimination liée à l’âge étant le frein majeur du retour à l’emploi des demandeurs d’emploi cadres de 55 ans et plus. Ces derniers constituant pourtant un vivier de compétences, disponibles et expérimentés, pour pallier les difficultés à recruter. Dans un contexte de réforme des retraites qui va allonger les carrières, les entreprises doivent agir pour un marché du travail « plus inclusif ». D’autant que ces seniors travaillent sur leur employabilité et sont souvent prêts à des ajustements, que ce soit en termes de niveau de responsabilité et de temps de travail, mais aussi en termes de salaire pour 48 % d’entre eux. Pour l’heure, le taux de chômage des cadres de 55 ans et plus est de 6,8%, vs 4,1 % pour l'ensemble des cadres en 2021 et 36 % le sont depuis plus d’un an (vs 20 % pour les cadres au global). « Leur maintien en emploi en fin de carrière est souvent très peu accompagné », regrette l’Apec.

Charlotte DE SAINTIGNON