Le commerce de centre-ville survivra-t-il aux crises ?

Le commerce de centre-ville survivra-t-il aux crises ?

    Les commerçants de centre-ville ont lourdement pâti des récents mouvements sociaux, qui se sont ajoutés à une crise qui dure depuis des décennies. Des politiques publiques inventent aujourd’hui des solutions nouvelles a montré une table-ronde organisée par l’Ajpme.

Quel avenir pour le commerce de centre-ville ? C’était l’objet de la table-ronde organisée par l’AJPME, Association des journalistes spécialisés dans les PME, le 27 février, à Paris. Mais avant de parler l’avenir, c’est un état des lieux inquiétant que dressent les différents intervenants. Car les mouvements des Gilets jaunes, puis, plus spécialement pour l’Île-de-France, les grèves liées à la réforme des retraites, ont lourdement pesé sur l’activité des commerçants de centre-ville. «Ils ont été particulièrement affectés. Des magasins ont fermé. (…). Reporter des charges, lorsque l’on est en grande difficulté et que la crise se poursuit, cela ne suffit pas», commente Francis Palombi, Président de la Confédération des commerçants de France. Via des fédérations, celle-ci regroupe quelque 450 000 entreprises, pour l’essentiel, de moins de 11 salariés. Le constat est partagé par Gérald Barbier, chargé du commerce à la CCI Paris-Île-de-France, qui  représente 650 000 entreprises, dont 160 000 commerces. «Depuis quatre ou cinq ans, Paris devenu très difficile pour le commerce»,  explique Gérald Barbier, évoquant l’impact des attentats qui ont touché le tourisme, et celui des  mouvements sociaux, lesquels ont engendré des reports d’achats vers les centres commerciaux à l’extérieur de la Capitale.

Dans ce panorama sombre, quelques lueurs d’espoir. Le secteur de la franchise, présent dans tous les types de territoires, centre-ville compris, a connu en 2019 une année record : son chiffre d’affaires a augmenté de 9%, pour atteindre 62 milliards d’euros. Au total, la franchise  représente 700 000 emplois directs et indirects. D’après Michel Bourel, président de la Fédération française de la Franchise et fondateur du réseau Cavavin , ce bon résultat est en partie lié au fait que les très petites villes ont été peu impactées par les mouvements sociaux.

Par ailleurs, l’ensemble des intervenants s’accordent pour constater un « «mouvement de rééquilibrage» entre les zones commerciales, de moins en moins attractives, et les commerces de centre-ville, qui souffrent depuis plusieurs décennies d’une désaffection au profit des périphéries. Mais un autre sujet fait l’unanimité : pour devenir réellement significatif, ce «rééquilibrage» nécessite une politique publique ambitieuse.

Et si le centre-ville devient trop beau….

De fait,  les initiatives ne manquent pas.  A Paris, où le taux de vacance commerciale s’élève à 9%,  «le vrai sujet, en fait, c’est que les habitants partent. Il faut une stratégie vraiment globale», commente Gérald Barbier. Pour y travailler,  la CCI  a mis sur pied une plateforme partenariale sur le commerce, qui réunit une vingtaines d’acteurs publics et privés.  En 2019, Langogne, en Lozère, et Carmaux, dans le Tarn ont créé des «SCIC de développement territorial local», sociétés coopératives d’intérêt collectif, qui réunissent  les acteurs concernés, pour gérer les outils nécessaires à la revitalisation du centre-ville. Le modèle, québécois, a été importé par la Confédération des commerçants de France.

A Sceaux, ville de 20 000 habitants qui s’enorgueillit de posséder la plus ancienne rue piétonne d’Île-de-France, «le maire sait que le commerce de centre ville est l’ADN de la ville», explique Sylvie Bléry-Touchet, adjointe au maire à la vie économique, au commerce, à l’artisanat et au tourisme. La ville, qui compte 250 commerçants, et un taux de vacance de 3%, multiplie les démarches. Dès 2003, elle a embauché un «manager» de centre-ville. Trois ans plus tard, elle a contribué à créer l’association «Centre ville en mouvement », où les collectivités partagent leurs expériences sur le sujet. Dernière initiative en date, qui s’enrichit progressivement : une plateforme  («sceaux-shopping.com») conçue avec la CCI et l’Union des artisans et commerçants où les commerçants peuvent y mettre leurs produits en vente, et proposer un système de «clic and collect » en boutique. Depuis six mois, un autoentrepreneur, doté d’un triporteur électrique, assure les livraisons. «Cela démarre doucement », commente Sylvie Bléry-Touchet.

Mais les obstacles peuvent aussi naître des succès : Sylvie Bléry-Touchet a ainsi constaté des renouvellements de baux des commerçants, avec des augmentations de plus de 200%. L’élue a convoqué Foncia, administrateur de biens. «Il m’ont expliqué que c’était de notre faute, car le centre-ville est de plus en plus beau ! », témoigne-t-elle. La mairie achète des murs, des rez-de-chaussé, lors des nouveaux projets immobiliers et a  mis en place un droit de préemption du droit au bail. Le problème des coûts excessifs des baux immobiliers n’est pas réservé à Sceaux. Et Michel Bourel pointe «la responsabilité des propriétaires», sur ce sujet.

Anne DAUBREE