La lente décrue des inégalités hommes/ femmes

Dans la nouvelle version de son ouvrage « Femmes et hommes, l’égalité en question », l’Insee compare, en passant au crible différents indicateurs, les situations des femmes et des hommes. Focus sur les principaux résultats en termes de parcours scolaire, marché du travail, rémunération et retraite.

La lente décrue des inégalités hommes/ femmes

« Il y a une forte intériorisation des stéréotypes de genre. Dans les faits, les inégalités de genre, ancrés dans les normes sociales, se réduisent lentement », a affirmé d’emblée Sylvie Le Minez, cheffe de l’unité des études démographiques et sociales à l’Insee, lors de la présentation de la réédition de l’ouvrage « Femmes et hommes, l’égalité en question ».

On y apprend ainsi que, de l’école élémentaire à l’entrée dans l’enseignement supérieur, filles et garçons construisent des parcours distincts. D’abord, les filles auraient de meilleurs résultats scolaires (dès le CP, surtout en français). Ensuite, elles s’orienteraient davantage vers l’enseignement général (57%) que dans les filières professionnelles (38%), à l’issue du collège. Enfin, elles réussiraient mieux les examens terminaux. Dans l’enseignement supérieur où elles sont majoritaires (56% des inscrits), elles s’orientent d’abord vers la médecine, la biologie et les sciences humaines pour se tourner ensuite vers les métiers du médico-social ou de la santé. Elles représentent ainsi 86% des étudiants dans le médico-social et 70% de ceux en langues, lettres et sciences sociales. A l’inverse, les écoles d’ingénieur ne comptent que 25% de femmes et les grandes écoles 42%. « A l’exception des études de médecine, elles restent minoritaires dans les cursus scientifiques et sélectifs », confirme Sylvie Le Minez.

Convergence des taux d’activité

Les femmes sont plus diplômées que les hommes : en 2020, 53% des 25 à 34 ans sont diplômées du supérieur, contre 46% des hommes, et seules 11% n’ont aucun diplôme, ( vs 13% des hommes). En termes d’insertion professionnelle, un à quatre ans après la sortie de leur formation initiale, les jeunes diplômées du supérieur sont aussi nombreuses que les hommes à occuper un emploi et les femmes seraient moins confrontées au chômage que les hommes. « La détention d’un diplôme réduit les risques de chômage et facilite l’obtention d’un emploi », confirme Sylvie Le Minez.

Conséquences des parcours scolaires, le taux d’activité des femmes (de 15 à 64 ans) progresse régulièrement depuis le milieu des années 70. En 2020, 68% sont actives, contre 75% des hommes. A titre comparatif, en 1975, elles étaient 53%, contre 84% des hommes. Néanmoins, les conditions d’emploi leur sont déjà moins favorables dès l’entrée sur le marché du travail.

Ségrégation professionnelle sexuée forte

En termes de secteurs occupés, les femmes sont nettement plus présentes dans le tertiaire (88 % des actives occupées, contre 66 % pour les hommes). En particulier,

45 % travaillent dans l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale – comme en 2015 –, contre 19 % des hommes. Au total, leur emploi se concentre notamment dans les secteurs et métiers, de services (aides à domicile, assistantes maternelles...) et du soin (aides‑soignantes, infirmières,...), tandis que les hommes sont souvent conducteurs de véhicules, techniciens de la maintenance, ouvriers qualifiés de la manutention ou du second œuvre du bâtiment. Cette concentration sectorielle de l’emploi des femmes a peu évolué au cours du temps.

Au sein d’une même profession, les femmes et les hommes sont également affectés à des tâches différentes : celles réclamant de la force physique sont plus souvent assignées aux hommes, celles impliquant des aptitudes relationnelles plus fréquemment aux femmes.

Cette ségrégation en termes de profession et de tâches n’est pas sans conséquence sur les conditions de travail. Ainsi, si les hommes subissent davantage la pénibilité physique, les femmes seraient plus fréquemment exposées aux risques psychosociaux. « Durant la crise sanitaire, l’intensification du travail et la dégradation des conditions de travail ont été plus importantes pour les femmes, davantage présentes dans les métiers de la santé et de l’action sociale, fortement sollicités au cours de la période », explique Sylvie Le Minez.

En parallèle, on observe une augmentation du nombre de femmes cadres : elles représentent 43 % des cadres et professions intellectuelles supérieures en 2020, contre 21 % en 1982.

27% de femmes en temps partiel

Concernant la conciliation vie familiale et vie professionnelle, l’arrivée des enfants dans le foyer continue d’affecter davantage les femmes. L’âge et le nombre d’enfants influent à la fois sur leur participation au marché du travail et les salaires, pas pour les pères.

En 2020, 81% des mères de 25 à 49 ans en couple sont en activité, contre 96% des pères. « Cela reflète la difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale, mais aussi la persistance de l’idée d’une ‘vocation maternelle’ présumée des femmes », justifie Sylvie Le Minez. Le taux d’activité des mères en couple avec trois enfants (dont l’un au moins âgé de moins de 3 ans) chute à 48%. Les femmes supporteraient davantage le poids de la cette conciliation vie familiale/vie professionnelle. En 2020, elles ont trois fois plus recours (27%) au temps partiel que les hommes (8%). Les raisons ? 26 % déclarent devoir s’occuper d’enfants ou d’une personne dépendante, contre à peine 6 % des hommes. Même constat sur l’inactivité, qui concerne deux fois plus de femmes (ni étudiantes, ni retraitées) que d’hommes, même si cette part a été divisé par quatre en 50 ans , là aussi en majorité pour des raisons familiales.

22% d’écarts de revenus

Conséquence de leurs choix de carrière et de la ségrégation des secteurs avec des femmes exerçant dans des secteurs peu mixtes et faiblement rémunérateurs, les écarts de salaires ne diminuent que lentement. En 2019, le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 22% à celui des hommes ; c’était 27% en 1995. Un tiers s’explique par « des différences de durée de travail », les deux autres tiers « par d’autres facteurs, comme les emplois et les secteurs occupés, les différences de postes…, justifie Sylvie Le Minez. Avec un moindre accès des femmes aux postes les plus rémunérés ». Ainsi, si elles représentent 42 % des salariés dans le secteur privé en 2019, leur part diminue nettement quand les salaires s’élèvent (19 % de femmes dans le top 1 %).

Autre effet, des différences de parcours professionnels, les femmes partent à la retraite plus tard que les hommes et percevraient des pensions inférieures. Avec des carrières plus fréquemment incomplètes et souvent moins éligibles aux dispositifs de départs anticipés, elles sont davantage contraintes de liquider leur pension à 65 ans ou plus, afin d’éviter une décote.


Charlotte DE SAINTIGNON