La filière volailles de Bresse s’inquiète d’un projet européen de refonte des étiquettes

L’Europe songerait à « libéraliser » les mentions actuellement limitées des modes d’élevage. Les filières de qualité, dont celle des volailles de Bresse s’inquiètent d’un risque de moins-disant au niveau de la qualité, du bien-être animal et d’un manque de contrôle.

La volaille de Bresse dispose d’un minimum de 15 m2 de prairie d’herbe et d’un poulailler spacieux, 12 poulets maximum par m2 (© CIVB)
La volaille de Bresse dispose d’un minimum de 15 m2 de prairie d’herbe et d’un poulailler spacieux, 12 poulets maximum par m2 (© CIVB)

La filière volaille de Bresse se mobilise pour contrer un projet de réglementation européen. L’alerte est venue de l’Anvol, Association Nationale interprofessionnelle de la Volaille de chair. Dans le cadre de la révision en cours des normes de commercialisation, la Commission européenne prévoit de changer les règles concernant l’étiquetage des modes d’élevage des volailles, ce qui déplaît à la filière. « Elle envisage de supprimer les normes permettant aux consommateurs d’identifier clairement les modes d’élevage des volailles grâce aux cinq seules mentions jusqu’à présent autorisées », s’insurge l’Anvol.

En Bresse, le sang des éleveurs n’a fait qu’un tour. « Nous avons réagi très vite, en envoyant un courrier à tous les élus, des conseillers communaux, aux députés et sénateurs en passant par les députés européens, expliquant le danger qu’une telle réglementation ferait courir aux filières de qualité comme la nôtre », détaille Cyril Degluaire, vice-président du Comité Interprofessionnel de la Volaille de Bresse (CIVB). Le soutien a été unanime et les résultats ne se sont pas fait attendre : la Commission européenne a assuré, en réponse, ne pas vouloir la disparition des Labels rouges ou du Poulet de Bresse.

Volailles de Bresse : une AOP protégée

Sa peau et sa chair sont bien blanches (© CIVB)

En attendant le projet de réglementation, qui devrait être officialisé dans les prochaines semaines, la profession reste vigilante. « Nous sommes opposés aux risques de dérives, avec, par exemple, la possibilité de mentions fantaisistes qui ne seraient associées à aucun cahier des charges, et à aucun contrôle. Mais s’il s’agit d’ajouter de nouvelles mentions concernant le bien-être animal, nous y sommes évidemment favorables, car nous travaillons en ce sens depuis toujours », précise Katy Mondon, porte-parole du CIVB. Le poulet de Bresse a longtemps été une exception, en détenant la seule Appellation d’Origine Protégée (AOP) concernant les volailles en Europe, rejointe, en juillet dernier, par une nouvelle AOP française, poulet du Bourbonnais.

Associée à son cahier des charges l’AOP assure que les volailles de Bresse proviennent d’un territoire défini strictement de 3 536 km², qu’elles ont « poussé » lentement, au moins 110 jours (trois fois plus qu’un poulet de base), ont bénéficié d’une alimentation de qualité et ont vécu majoritairement à l’air libre. Forcément haut de gamme, entendez onéreuses, les volailles de Bresse font le prestige de la filière française, un pays qui se distingue également par son taux de volailles élevées en plein air, qui s’établit à 20 %, contre 5 % au niveau européen, et 1 % en Allemagne.


Pour Aletheia Press, Arnaud Morel 

Une petite filière confrontée à la crise agricole

On ne compte que 126 éleveurs de volailles de Bresse, répartis sur trois départements, l’Ain (66 éleveurs), la Saône-et-Loire (54 éleveurs) et le Jura (6 éleveurs). 53 % de la production, estimée en 2022 à 800 000 volailles (contre 950 000 en 2016), provient de Saône-et-Loire. Le nombre d’éleveurs se réduit lentement, ainsi que le nombre de volailles élevées. Cependant, grâce à quelques installations récentes, la moyenne d’âge de la profession baisse. 95 % des volailles de Bresse sont destinées au marché national, essentiellement la moitié est du pays et Paris, 5 % seulement part à l’export. La filière a été peu touchée par la grippe aviaire qui n’a concerné que deux élevages, dans l’Ain et en Saône-et-Loire. Elle a été impactée en revanche par la crise sanitaire et souffre également de l’explosions des prix de l’énergie et, dans une moindre mesure, des matières premières. Pour relancer son marché, l’interprofession a conduit, en 2022, une vaste étude de marché, auprès de 1500 consommateurs pour définir ses forces et ses faiblesses. En ressort l’excellente notoriété de la marque, mais aussi sa faible présence en boutique dans certaines zones géographiques. « Nous allons profiter du Salon de l’Agriculture à Paris pour négocier avec la présidente des bouchers charcutiers traiteurs de France afin de renforcer la présence de nos volailles », annonce Cyril Degluaire, vice-président du CIVB.