La dynamique de la HealthTech française freinée par la baisse des financements privés

Si la filière de l’innovation en santé demeure dynamique et continue de se professionnaliser en France, son développement a été entravé par la baisse des levées de fonds en 2023.

© Adobe Stock.
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C’est une filière florissante au sein d’un écosystème dynamique. La healthtech française regroupe les startups et les entreprises innovantes de biotechnologie (qui visent à éradiquer les maladies), de la medtech (dépistage précoce, diagnostic et retour à l’autonomie) et de la santé numérique (optimisation du parcours de soin et amélioration de la prise en charge des patients). Cette filière de l’innovation en santé regroupe aujourd’hui un peu plus de 2 600 PME en France.

« Nos fondamentaux sont solides »

Publiée chaque année par France Biotech, l’association qui fédère les startups et les entreprises de l'innovation santé en France, le Panorama France HealthTech est l’étude de référence sur ce secteur. Un des principaux enseignements de l’édition 2023 est que, dans un contexte de baisse des montants levés par tous les secteurs de la tech partout dans le monde, la healthtech française a elle aussi enregistré une chute des levées de fonds, de 32% par rapport à 2022, et notamment des financements privés.

Dans ce contexte difficile, « nombre d’entreprises demeurent en grande fragilité, mais je pense que nos fondamentaux sont solides », a relevé le président de France Biotech, Franck Mouthon, lors de la présentation des résultats de l’étude à Bercy, fin février. Les entreprises de la healthtech française « continuent à créer des emplois », « à avancer dans leur plan de développement », « s’internationalisent » et « s’industrialisent ».

On observe aussi une tendance à la consolidation : « on a créé beaucoup d’entreprises et il est plus que temps de créer des champions et des locomotives qui agrègent différents actifs ». Autre signal positif : en 2023, certains acteurs ont conclu « des accords industriels importants, de haute valeur » : « nous avons besoin que ‘ les grands frères ‘ jouent le rôle qu’ils peuvent jouer auprès des ‘petits frères’», et c’est pourquoi « il important pour nous de travailler main dans la main avec le G5 Santé [think tank qui regroupe les dirigeants de huit grandes entreprises françaises de santé et des sciences du vivant] pour essayer de renforcer ces liens ».

En termes de perspectives, la reprise des introductions en bourse sur le secteur santé, début 2024, apparaît comme un message positif. « On espère que l’orage est en train de s’apaiser », a-t-il poursuivi. « Nous avons tous les ingrédients aujourd’hui pour pouvoir réussir, pour avoir des succès retentissants sur notre territoire, (…) et quelques succès retentissants changeraient complètement la donne sur l’attractivité du pays, notamment pour les financeurs privés. »

Une filière soutenue par le gouvernement

La filière bénéficie du soutien du gouvernement – le total des aides d’État a ainsi approché 700 millions d’euros, en 2023 –, qui poursuit actuellement ses travaux sur plusieurs problématiques. À commencer par la simplification de l’accès aux données de santé, et notamment aux données hospitalières. « C’est à la fois le nerf de la guerre et un point trop souvent bloquant », a reconnu le ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie, Roland Lescure. Autre chantier de travail : l’accès dérogatoire aux médicaments. « Nous avons lancé une mission sur la régulation qui permettra, j’espère, des avancées réelles dans le cadre du projet de loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2025. »

Côté financements, « je voudrais lancer un appel aux industriels », a poursuivi le ministre. « Les autorités publiques ont un rôle à jouer mais les industriels aussi, en accompagnant les startups par des accords de financement, des accords commerciaux, des accords de partenariat, des accords de développement…. Tout ce que l’on peut faire pour accompagner cet écosystème qui monte est bienvenu. Je sais que les industriels font déjà beaucoup mais il faut qu’ils fassent encore plus. »

Une croissance particulièrement forte ces deux dernières années

La healthtech a enregistré une croissance particulièrement forte en France, ces deux dernières années. Accroissement du chiffre d’affaires (+ 30%, en l’espace de deux ans) et des investissements en R&D, augmentation du nombre d’employés (avec des difficultés à recruter sur certains profils) et du nombre d’entreprises qui atteignent le stade d’ETI (33 entreprises emploient plus de 100 salariés), création de filiales à l’étranger… Et si le Panorama France HealthTech confirme que les problématiques de financement arrivent en tête des principales préoccupations aujourd’hui, l’étude montre également qu’une bonne partie des entrepreneurs considèrent néanmoins que leur situation financière est meilleure qu’un an plus tôt.

La filière du numérique en santé est celle qui a enregistré le plus de créations d’entreprises ces dernières années. Il s’agit d’un secteur très diversifié, avec des modèles d’affaires et de financement bien différents : si la majorité des solutions s’adressent au système hospitalier, l’activité englobe aussi bien les solutions de télésurveillance que les algorithmes destinés aux laboratoires pharmaceutiques et aux entreprises de biotechnologie.

La filière biotechnologie est particulièrement forte sur l’oncologie, les maladies infectieuses et l’immunologie, le système nerveux central et la neurologie, et on peut parler d’excellence française sur le terrain des maladies rares (cf l’encadré). Et, par ailleurs ,on observe, une forte croissance de l’intérêt pour les biomédicaments (produits à partir d'une source biologique vivante, telles que des cellules ou bactéries) : plus de la moitié des essais cliniques actuels sont menés avec ce type d’approche technologique et les biotech françaises s’attachent à développer en majorité ces types de produits.

L’excellence française sur les maladies rares

« Une maladie est dite rare quand elle atteint une personne sur 2 000, et cela touche aujourd’hui 3 millions de Français, soit 4,5% de la population française, et 25 millions de personnes en Europe », a expliqué Émilie Moussin, responsable de développement France et Benelux chez Citeline (anciennement, Pharma Intelligence), société spécialiste des renseignements sur les essais cliniques. Aujourd’hui, « on a identifié environ 7 000 maladies rares, d’origine génétique à 80% ». Une maladie rare est dite « orpheline » quand il n’existe pas de traitement efficace. La France, qui a été pionnière avec ses Plans pour les maladies rares, travaille actuellement « sur 700 maladies » et occupe une position de leader « avec 184 médicaments approuvés ». Pas moins de « 84% des médicaments découverts le sont par une biotech française, et on est à peu près à un essai clinique par jour ».