L’Italie :

l’homme malade de l’Union européenne (UE)

L’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni dans un contexte économique dégradé jette une lumière crue sur les nombreuses difficultés économiques structurelles de l’Italie…

(c) Adobe Stock
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Issue du parti politique d’extrême droite Fratelli d’Italia, Giogia Meloni a remporté les élections législatives avec une coalition qui va de la Ligue de Matteo Salvini à Forza Italia de Silvio Berlusconi. Son score impressionnant lui a donné un marchepied pour accéder à la fonction de président du Conseil. Mais les incertitudes entourant les objectifs du nouveau gouvernement ont rendu les marchés financiers extrêmement nerveux, au point de voir les taux d’intérêt souverains de l’Italie monter en flèche, ces dernières semaines.

Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le premier discours de Giorgia Meloni ait consisté à rappeler l’ancrage indéfectible de l’Italie à l’UE, cette « maison commune pour affronter les défis que les États membres peuvent difficilement affronter seuls ». Tout au plus s’est-elle permis de préciser que si l’Italie respecte bien entendu l’acquis communautaire, son pays se voulait un acteur du changement, en particulier en ce qui concerne les règles européennes que son gouvernement considère comme dysfonctionnelles. Et pour joindre les actes à la parole, sa première sortie officielle hors d’Italie la conduira à rencontrer les dirigeants des institutions européennes à Bruxelles, le 3 novembre.

Quoi qu’il en soit, les récents soubresauts sur les marchés financiers ne doivent pas faire oublier les nombreux problèmes économiques structurels de l’Italie.

Récession en vue

Les perspectives de croissance post-Covid 19 en Italie avaient de quoi rassurer de prime abord : +3,3 % en 2022. Hélas, la forte inflation dans le pays, qui a atteint près de 12 % en rythme annualisé au mois d’octobre, en raison de sa forte dépendance au gaz russe (environ 25 %, malgré les efforts entrepris par le gouvernement précédent de Mario Draghi), et la dégradation des conditions économiques mondiales ont conduit la Banque d’Italie à revoir fortement à la baisse sa prévision de croissance pour 2023 : seulement 0,3 % ! Le FMI, encore plus pessimiste, anticipe une inévitable récession. C’est que la hausse de l’activité post-Covid relevait d’une forme de trompe-l’œil lié au retour des touristes et à la reprise de la consommation, après les restrictions sanitaires. Sur plus longue période, l’Italie n’a d’ailleurs toujours pas réussi à revenir à ses niveaux de croissance d’avant crise européenne et d’avant crise mondiale des subprimes.

L’industrie à la peine

Certes, l’économie italienne ne se résume pas à son tourisme et il faut, en outre, compter sur son industrie,

située plutôt dans le haut de gamme (pharmacie, ameublement, biens d’équipement industriels…). Hélas, force est de constater que de nombreux pans de son industrie ont de plus en plus de mal à maintenir leur part sur les marchés extérieurs. Quant à la productivité par tête, elle est structurellement en déclin depuis près de 15 ans et les investissements qui auraient permis d’inverser la tendance sont demeurés trop faibles.

Si l’on y ajoute le vieillissement démographique, ainsi que la faible performance du système éducatif et de formation, l’on comprend mieux pourquoi la « croissance potentielle » est en berne, cette dernière étant définie comme la croissance réalisant le niveau maximal de production sans accélération de l’inflation, compte tenu des capacités de production et de la main-d’œuvre disponibles. Et que dire de la fragilité du secteur bancaire et des inégalités territoriales (notamment Nord-Sud) qui minent encore un peu plus le potentiel productif du pays ? Or, une croissance potentielle faible pèse lourdement sur les finances publiques.

Finances publiques sous pression

Le taux d’activité, qui correspond au nombre d’actifs rapporté à l’ensemble de la population en âge de travailler, reste à un niveau bien inférieur en Italie par rapport aux autres économies européennes. Outre ses conséquences sur la croissance, cela conduit à des ressources fiscales plus faibles pour l’État et, conséquemment, à un recours plus fréquent à l’endettement public, qui atteint désormais 150 % du PIB. La hausse des taux d’intérêt sur les obligations d’État à 10 ans, de 1,3 % en janvier à 4,8 % mi-octobre, risquait très vite de devenir insoutenable pour rembourser les intérêts sur la dette et financer un déficit public de 7,2 % du PIB, en 2021.

C’est pourquoi, alors que Giogia Meloni avait fait campagne sur l’idée de renégocier le plan national de relance et de résilience (PNRR) issu des fonds européens, elle semble avoir mis de l’eau dans son Chianti. À l’évidence, la Commission européenne a les moyens de tenir le nouveau gouvernement en bride, l’Italie étant l’un des principaux destinataires de ce plan européen de relance post Covid-19. Il reste d’ailleurs 20 milliards d’euros à obtenir d’ici à la fin de l’année, à la condition expresse que des réformes économiques soient mises en œuvre par le gouvernement italien.

Or, si les premières annonces semblent avoir temporairement fait retomber la pression sur les marchés financiers, il n’est pas certain que le contexte actuel soit propice à des changements majeurs…