Justice civile, pénale et commerciale : les réformes annoncées par la Chancellerie

Dans le prolongement des États généraux de la Justice, le garde des Sceaux a annoncé plusieurs réformes en matière civile, pénale et commerciale. Nombre d’entre elles s’inspirent des propositions du rapport du comité Sauvé, remis au gouvernement l’été dernier.

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« Diviser par deux les délais dans les juridictions civiles d’ici la fin du quinquennat. » C’est l’objectif visé par les réformes récemment annoncées par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, en matière civile. Pour ce faire, la Chancellerie entend « lancer une véritable politique de l’amiable » qui s’appuie sur deux nouvelles procédures dans lesquelles « le juge aura un rôle central », a expliqué le ministre, lors de la présentation de son plan d’actions, le 5 janvier dernier.

Deux nouveaux modes de règlement amiable

Ces deux nouveaux modes de règlement amiable sont la césure et la procédure de règlement amiable. La césure est une procédure utilisée aux Pays-Bas et en Allemagne. Le principe consiste, avec l’accord des parties, à faire trancher la question de droit par le juge, puis de laisser les parties trouver un accord ensuite. La procédure de règlement amiable s’inspire, quant à elle, de la pratique québécoise. C’est une audience au cours de laquelle le juge aide les parties, avec leurs avocats, à trouver un accord, rédigé par les avocats puis homologué par le juge dans le mois qui suit. « Des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire seront recrutés pour assurer en partie le traitement de ces phases amiables », a annoncé le garde des Sceaux.

Cette réforme devrait s’accompagner d’une recodification de tous les modes alternatifs de règlement des différends, dans le Code de procédure civile – « dans un seul chapitre » pour « les rendre plus lisibles » – et d’une meilleure rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle « pour les inciter à utiliser la voie de l’amiable ». En parallèle, la Chancellerie va demander aux assureurs de « privilégier ces procédures de l’amiable », dans le cadre de leurs contrats de protection juridique.

Requête simplifiée en première instance, révision des délais en appel

Le plan d’action prévoit aussi des mesures visant à « simplifier » la procédure civile : la généralisation de la requête signifiée en première instance (qui deviendrait le seul mode de saisine du juge, comme en matière administrative) et la révision des décrets Magendie en appel, en desserrant « les délais de procédures prévus par ces décrets, dont la rigidité pénalise les avocats et les justiciables ». Par ailleurs, la Chancellerie a commencé à travailler avec le Conseil national des barreaux (CNB) à une meilleure structuration des écritures des avocats, en imposant une synthèse des moyens de droit à la fin de leurs conclusions. Enfin, le garde des Sceaux souhaite renforcer le recours aux mesures non judiciaires de protection juridique des majeurs vulnérables (personnes âgées ou en situation de handicap), telles que la mesure d’accompagnement social personnalisé, le mandat de protection future ou l’habilitation familiale.

Justice sociale et des conseils de prud’hommes : des réformes en deux temps

Du côté de la justice sociale et des conseils de prud’hommes, le premier grand défi vise, là encore, à réduire les délais. « Avant de lancer une réforme profonde visant à simplifier les procédures, il faut faire le bilan des procédures modifiées ces dernières années », a déclaré le ministre. Dans l’immédiat, les premières mesures vont consister à renforcer « les moyens d’aide à la décision, les formations, l’indemnisation des conseillers prud’hommes » et à assouplir « les conditions de candidature » pour faciliter l’accès à cette fonction. Et dans un deuxième temps, il va falloir « renforcer les responsabilités et les prérogatives des présidents des tribunaux et des greffiers ». Une réforme qui doit se faire en concertation « étroite » avec le Conseil supérieur de la prud’homie.

Des « tribunaux des activités économiques », à titre expérimental

En matière de justice économique, certains tribunaux de commerce vont être transformés, à titre expérimental, en « tribunaux des activités économiques ». Ces derniers seront compétents pour toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et le domaine d’activité des acteurs économiques (commerçants, artisans, agriculteurs, certaines professions libérales, SCI, associations). La Chancellerie souhaite également favoriser les détachements de magistrats judiciaires dans les tribunaux de commerce, et instaurer une contribution financière des entreprises « proportionnelle à l’enjeu du litige et en fonction de la capacité contributive de ces sociétés : cela ne concernera que les très gros litiges », a précisé le ministre. Enfin, le projet de codification du droit international privé devrait également être lancé.

Refonte du Code de procédure pénale

En matière pénale, « l’objectif est d’atteindre des délais d’audiencement de 6 à 12 mois en matière correctionnelle », a-t-il poursuivi. La Chancellerie a décidé de lancer le vaste projet de réécriture du Code de procédure pénale : une recodification « à droit constant », a-t-il précisé, pour simplifier et moderniser la procédure. Un groupe de travail, formé de juristes spécialisés, a déjà été constitué pour mener à bien ce travail de longue haleine, et un article habilitant le gouvernement à procéder à cette réécriture par voie d’ordonnance va être intégré dans la loi d’orientation et de programmation pour la justice.

D’ici là, d’autres actions vont être lancées, dont une réforme du statut du témoin assisté, de la procédure dite de comparution à délai différé, du régime des perquisitions (pour autoriser les perquisitions de nuit), de la procédure de comparution immédiate (pour notamment harmoniser les délais de renvoi), de modification du contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention. Il est également prévu de pouvoir recourir à des amendes forfaitaires par procès-verbal électronique pour toutes les contraventions, excepté celles qui ont causé un préjudice à des victimes, d’élargir le champ des infractions recevables à la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (notamment, aux victimes de violences graves et de squats dans leur domicile) et de renforcer la protection des enfants victimes.