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Informatique : comment réduire l’impact environnemental

Comment diminuer l’impact environnemental de son système informatique sans régresser ? Abaisser la consommation électrique n’est qu’un volet. Il est possible d’avancer dans la sobriété numérique, inscrite désormais dans la loi. En procédant par étapes.


Copyright eG4U : ETSI 2022
Copyright eG4U : ETSI 2022

Une fois convaincus eux-mêmes de la nécessité d’agir face à l’urgence climatique, les managers du système d’information savent que la tâche est ardue. Le défi est de taille : il faut faire autant, sinon plus avec moins… Or, la consommation en énergie du numérique (dont le périmètre reste à préciser) progresserait de 9% par an, selon le think-tank The Shift Project.

Première étape : se convertir mentalement à la sobriété, au concept d’« informatique frugale » en rejetant les faux-semblants, le ‘greenwashing’ ; puis obtenir le soutien de la direction générale en présentant une stratégie résumée ici et une gouvernance ad-hoc ; créer un comité de pilotage ou groupe de travail qui va contribuer à sensibiliser tous les collaborateurs de l’entreprise, à définir des objectifs réalistes et à lister les mesures à prendre par étapes.

Il convient ensuite de choisir une méthode et des outils pour faire un état des lieux - bilan CO2 et environnemental. L’Ademe, Agence de la transition écologique, en propose, ainsi que des référentiels, qui vont permettre de se comparer et de se motiver en mesurant les améliorations (cf. Guidetopten.fr).

Des chiffres à affiner

Les chiffres, encore relatifs, se précisent : globalement, le secteur du numérique représenterait 4,2% de la consommation mondiale d’«énergie primaire », 3,8% des émissions de gaz à effet de serre (dont le CO2), et 5,6% de la consommation d’électricité. En France, le numérique pèserait 2,5% à 4% de l’empreinte carbone. Selon l’Ademe, les TIC (technologies d’informatique et de communication) représenteraient 13,5 % de la consommation électrique totale. Et la part globale des entreprises serait de 56%, contre 44% pour le résidentiel (les particuliers).

D’une entreprise à l’autre, la consommation électrique des équipements informatiques varie beaucoup : de 2% à 5,3% (industries, secteur santé), jusqu’à 58% (services, industries spécialisées). La moyenne serait de 25%.

De même, les consommations varient beaucoup selon les équipements : une imprimante laser en fonctionnement débite de 150 à 300 Wh (watts/heure) contre 20 à 100 Wh pour un PC, 10 à 30 Wh pour un écran plat et 5 à 10 Wh pour une imprimante jet d’encre.

Même éteint, un ordinateur branché continue à consommer. Le pire : un photocopieur, en mode veille, ne diminuerait sa consommation d’énergie que de 20 à 30 % ; idem pour certaines imprimantes laser.

Autres points noirs : les datacentres : en France, ils engloutiraient 10 % de la production d’électricité. Une PME ou une TPE est censée savoir la part (même petite) qu’elles en utilisent - via le Cloud ou non. La constitution de vastes lacs de données (data lakes) peu pertinents voire inutilisables est passée de mode. Place au nouveau modèle de sobriété ‘lean IT’, inspiré des industries lourdes.

Prendre en compte la fabrication

Priorité donc à une meilleure visibilité : des entités comme la start-up Greenly proposent des outils d’audit. A noter, entre autres, l’indicateur global DCEM pour les sites et infrastructures IT, porté par l’ONG eG4U et promu par l’organisation européenne de normalisation ETSI : il prend en compte la consommation d’énergie totale, l’efficacité du service, le recours aux énergies vertes, réutilisables et renouvelables.

Il convient également de considérer la consommation d’énergie nécessaire pour fabriquer équipements et logiciels sur la totalité du cycle de vie. En effet, les gaz à effet de serre (dont le CO2) rejetés pour leur production pèsent de 40 à 75% du bilan total des émissions nocives, consommation électrique globale comprise, pour une durée de vie de cinq à 10 ans. La part des matériaux issus d’extraction de terres rares (lithium, etc.) entre également dans le décompte.

Allonger la durée de vie

D’où la nouvelle obligation d’allonger la durée de vie des équipements. Selon The Shift Project, une durée de vie supplémentaire d’un an pour un smartphone (à 3,5 ans) réduirait ses émissions totales de gaz à effet de serre de 26 % ; et pour un ordinateur, en la portant à cinq ans, la diminution serait de 37 %.

Le renouvellement rapide des postes de travail n’est donc plus de mise. Certaines entreprises ont calculé que les systèmes sous iOs (Apple Mac) ou sous Android étaient, de ce point de vue, nettement plus avantageux que les systèmes sous Windows… Dans les smartphones, on peut citer la firme néerlandaise Fairphone.

En bref, la mise à niveau ou extensibilité, ainsi que la réparabilité, le reconditionnement et le recyclage en fin de vie sont devenus des critères cruciaux, épinglés par la loi Sobriété numérique. Ainsi, de nouveaux modes d’achat et de consommation, raisonnés et écoresponsables, font irruption au bureau, comme à la maison…

Pierre MANGIN