Fiscalité

Fiscalité des ménages : une remise à plat indispensable !

Après l’éprouvant épisode de la réforme des retraites, le gouvernement s’est lancé dans une opération de transparence baptisée « En avoir pour mes impôts », censée convaincre les contribuables du bon usage de leurs impôts…

Fiscalité des ménages : une remise à plat indispensable !

Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics, a annoncé, le 25 avril, que chaque Français pourra s’informer et s’exprimer sur l’utilisation de l’argent des impôts, le gouvernement s’engageant à tenir compte de ces « consultations, débats, concertations, échanges, remontées d’idées […] dans les prochains textes financiers et travaux ». Il y a comme un goût de « Grand débat national », avec un côté, sinon de défouloir, au moins de dérivatif à la vindicte populaire liée à la réforme des retraites. Cette opération transparence, rien que par son nom - assez risible- , « en avoir pour ses impôts », fleure inopportunément plus l’opération de communication politique que celle - indispensable - de remise à plat du système fiscal.

Le principal reproche fait au questionnaire du « Grand débat national » de 2018, est qu’il comportait de trop de confusions dans les termes, d’approximations et de formulation tendancieuses. Malheureusement, « en avoir pour mes impôts » est tout aussi mal partie si l’on en juge déjà par la confusion entre les termes « argent public », « impôts » et « argent prélevé aux Français ». En effet, en se référant à la définition donnée par l’OCDE, les prélèvements obligatoires recouvrent, en France, les impôts (incluant les taxes), ainsi que les cotisations sociales effectives et obligatoires reçues par les administrations publiques. Distinction d’autant pertinente, que ce sont les ménages qui paient 80 % des impôts et, plus généralement, les deux tiers des prélèvements obligatoires.

Les impôts payés par les ménages

Les ménages paient tous des impôts sur la consommation comme la TVA, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), les droits sur les tabacs et les alcools, etc. La TVA, qui est du reste un impôt indirect, et non une taxe malgré sa dénomination, représente, bon an mal an, entre 30 et 50 % des recettes fiscales nettes de l’État. D’où des sueurs froides lorsqu’il s’agit d’en modifier les taux, qui s’échelonnent pour l’instant de 0 % à 20 % (taux normal), avec un taux intermédiaire à 10 %, un taux réduit à 5,5 % et un taux particulier à 2,1 %.

Nombreux sont également les ménages concernés par des impôts sur les revenus, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu (IR) proprement dit, pour environ la moitié des foyers fiscaux, mais surtout de la contribution sociale généralisée (CSG), prélevée au profit de la sécurité sociale, notamment sur les revenus d’activité, de remplacement, du patrimoine, de placement, et même les revenus des jeux. Dès lors, rien d’étonnant à ce que le rendement de la CSG soit plus important (environ 100 milliards d’euros chaque année) que celui de l’IR (environ 80 milliards d’euros), d’autant que le faible nombre de tranches de ce dernier dessert sa progressivité.

Enfin, certains ménages paient aussi des impôts sur leur patrimoine, essentiellement l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et les taxes foncières prélevées par les collectivités territoriales. L’IFI, qui s’est substitué à l’ISF depuis 2018, n’est dû que lorsque la valeur nette de leur patrimoine immobilier dépasse 1 300 000 euros. En 2021, 153 000 foyers étaient concernés pour un montant total d’imposition de 1,67 milliard d’euros. Quant aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, elles ont rapporté 35,3 milliards d’euros en 2021, ce qui en fait indéniablement un pilier de la fiscalité locale, maintenant que la taxe d’habitation a été supprimée pour la résidence principale.

Financement des dépenses publiques

Ce débat, s’il se voulait ambitieux, devrait conduire à une remise à plat de l’ensemble du système de prélèvements obligatoires, afin de le rendre plus clair, plus simple et plus juste. Quitte pour cela à aborder les sujets qui fâchent : progressivité de l’impôt, évasion et fraude fiscales, pertinence des exonérations de cotisations sociales, contrôle des crédits d’impôt, etc.

Mais cela nécessiterait légitimement de s’intéresser également à l’autre versant, i.e. la nature, le montant et l’efficacité des dépenses publiques. En effet, ces dernières sont avant tout le fruit d’un compromis social entre des citoyens désirant œuvrer à l’intérêt commun. L’on ne peut donc échapper à un débat civique sur l’articulation entre secteur privé et secteur public, afin de s’entendre démocratiquement sur les missions qui incomberont à la puissance publique (et les fonds alloués), pour peu qu’elle soit en mesure d’y répondre efficacement.

Le plus surprenant reste que, même si les Français ont une appréciation plutôt négative du niveau des prélèvements obligatoires et de leur répartition, le « Baromètre des prélèvements obligatoires » du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO, rattaché à la Cour des comptes), publié en 2022, conclut que près de 80 % d’entre eux considèrent toujours le paiement de l’impôt comme un « acte citoyen », essentiel au fonctionnement de l’État et de la société française. Voilà l’apparente contradiction française : relation plus ou moins conflictuelle à l’impôt selon la classe sociale, mais attachement indéfectible de tous à l’État, quand les choses vont mal !