Voiture électrique : l'ère de la voiture jetable ?

Batterie difficilement – ou pas - réparable, absence de garantie sur l'accès aux pièces détachées...L'association écologiste Hop redoute que l'ère de la voiture électrique ne soit celle d'une voiture « jetable », à rebours des gains écologiques escomptés.

(c) Adobe Stock
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Le remède comporte des effets collatéraux non négligeables. Engagé dans le cadre de la stratégie européenne de décarbonation, le tournant vers les véhicules électriques se traduirait par une sorte de « fast fashion » avec des voitures conçues pour être produites de la manière la plus économique possible au détriment de leur réparabilité, et donc, de leur durée de vie. C'est ce que dénonce l'association écologiste Hop, Halte à l’obsolescence programmée. Sur le plan écologique, l'enjeu est majeur : 86% des foyers français possèdent au moins une voiture (95 % dans les zones rurales) et sept Français sur 10 se déplacent tous les jours avec. Le 17 avril, lors d'une conférence de presse en ligne, Flavie Vondersher, chargée du pôle plaidoyer de HOP, dévoilait les résultats de l'enquête « Obsolescence dans l’automobile : vers des voitures jetables ? »

L'association a passé en revue les pratiques des constructeurs de véhicules électriques, et en pointe plusieurs qui posent problème. A commencer par la conception et la fabrication des véhicules. Au cœur des préoccupations de HOP : l'indispensable batterie qui représente entre 30 et 40% du coût du véhicule et dont la durée de vie théorique se situerait entre 15 et 20 ans. « Aujourd'hui, la moitié seulement des constructeurs proposent une batterie réparable. Une réparation coûterait 10 fois moins cher que son remplacement et elle aurait un impact sur l'environnement moindre », pointe Flavie Vondersher. Autre pratique dénoncée par l'association : le « giga casting » (initié par Tesla et BYD). En remplaçant par exemple 70 pièces différentes par un bloc composé de deux, fabriqué grâce à des « giga presses », les constructeurs réalisent des économies substantielles. En revanche, « cela rend la réparation de la pièce difficile, voire impossible », explique Flavie Vondersher.

A la recherche des pièces de remplacement

Au delà des modes de production, l'enquête relève aussi d'autres pratiques potentiellement néfastes. « BYD, MG et Tesla n’ont pas développé de véritable service après-vente effectif pour la réparation », note le rapport. L'argument, selon Tesla ? Ces véhicules seraient tellement fiables qu'ils n'en auraient pas besoin... De facto, l'absence de service réduit les coûts de l'entreprise. Et il n'incite pas à produire des véhicules qui durent puisque l'entreprise ne se trouve pas confrontée à la nécessité de les entretenir, juge HOP. A ce sujet, d'ailleurs, l'association dénonce un vide juridique. Alors que l'Union Européenne impose une disponibilité des pièces détachées pour les smartphone de sept ans, rien ne semble être prévu en ce qui concerne les véhicules électriques. « Il n'existe pas d'obligations légales de mise à dispositif des pièces de remplacement. Certains acteurs ont des bonnes pratiques en les mettant à disposition 10 ans, ce qui reste insuffisant par rapport à la durée de vie d'un véhicule », précise Flavie Vondersher.

Autre sujet d'inquiétude, qui ne concerne d'ailleurs pas seulement les véhicules électriques : leur dimension logicielle et électronique, qui représente déjà environ la moitié des coûts de production et comporte plusieurs enjeux. A commencer par celui du risque d'obsolescence logicielle. « Certaines pièces sont reliées au numéro de série du véhicule, ce qui constitue un frein à la réparation et au reconditionnement. Les réparateurs ne disposent pas nécessairement de la clé de ce verrou électronique », explique Flavie Vondersher. Dans le même sens, ils n'ont pas nécessairement accès à des data qui pourraient pourtant se révéler utiles pour établir un diagnostic : elles restent la propriété du constructeur. Point problématique supplémentaire, les supports logiciels qui peuvent comporter des options essentielles ou accessoires à la conduite. Or, « il n'existe pas d'assurance sur la maintenance logicielle dans le temps », dénonce Flavie Vondersher.

Des effets pervers systémiques

L'écosystème actuel de l'automobile pourrait être complètement chamboulé par ces nouvelles pratiques. Flavie Vondersher redoute leur « propagation » à l'ensemble des acteurs du marché, lesquels se mettraient au diapason, afin de rester concurrentiels. « Renault a annoncé qu'il allait avoir recours au ‘giga casting’ pour sa nouvelle Twingo électrique », illustre-t-elle. A l'image de Renault, Volvo, Mercedes et GM ont également manifesté leur intérêt ou annoncé des projets de ‘giga casting’. BYD et Hyundai ont déjà emboîté le pas à Tesla.

Autre effet induit de ces pratiques émergentes, « les coûts de réparabilité vont augmenter et cela va avoir des conséquences sur les consommateurs, les réparateurs et les assureurs (…). Ces derniers se demandent déjà s'ils vont augmenter leurs tarifs car une voiture produite avec des giga pièces ou équipée d'une batterie sera plus coûteuse à réparer, en cas d'accident ou de panne », analyse Flavie Vondersher. L'impact pourrait être systémique avec la remise en cause de l'économie circulaire qui fonctionne aujourd'hui avec les véhicules thermiques. Elle est basée sur un marché de l'occasion très développé ( les trois quarts des véhicules immatriculés en 2023) et une durée de vie des véhicules de 19 ans, en moyenne. Avec les véhicules électriques, l'association redoute une diminution du réemploi au profit du recyclage.

Pour éviter ces dérives, stopper le développement de cette « fast fashion » de l'automobile, l'association propose plusieurs mesures. A commencer par l'instauration d'une garantie de réparabilité des batteries et de l'établissement de normes de réparabilité pour les autres pièces de la voiture (qui devraient rester accessibles pendant 20 ans). L'association prône un encadrement des « verrous logiciels » qui empêchent le reconditionnement des pièces et la réparation. Et également, une garantie des systèmes opératifs et des mises à jour logiciel du véhicule pendant 20 ans . En outre, l'automobiliste devrait voir l'accès aux données de son véhicule garanti, ce qui lui permettrait de les partager avec les réparateurs de son choix. Autant de règles qui devraient être établies au niveau européen pour être efficaces.