Recyclage : des progrès restent à faire

L'enjeu est écologique, mais aussi industriel et géopolitique. La France ne recycle pas suffisamment qu'il s'agisse des métaux, du plastique ou du textile, pointe l'Ademe, l'Agence de la Transition écologique. Celle-ci a publié un état des lieux du recyclage en France et soutient des projets qui visent à améliorer les processus.

© Adobe Stock.
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Peut -et doit – faire beaucoup mieux. Le 13 mars, lors d'un atelier presse en ligne, l'Ademe, Agence de la Transition écologique, présentait une « Photographie du recyclage en France ». Celle-ci dresse un état des lieux concernant le recyclage de 11 matériaux. Au total, en France, sur 310 millions tonnes (Mt) de déchets, 66 millions sont collectés en vue du recyclage. Par ailleurs, 53 Mt de produits de matière de recyclage sont réincorporées dans la production. Mais ce bilan global reste insuffisant et il masque des différences selon les matériaux. Les métaux, par exemple, constituent des enjeux écologiques, économiques et géopolitiques toujours plus prégnants. En effet, rappelle Raphaël Gustavi, directeur adjoint de la direction de l'Économie Circulaire à l'Ademe, « avec la transition écologique, les besoins en métaux vont devenir de plus en plus importants. Cela va tendre la question de l'accès aux ressources ». Or, en matière de recyclage, la France a d'importants progrès à réaliser. Le pays exporte des métaux usagés car ses capacités d'affinage sont limitées, en particulier par rapport à ses voisins européens. En 2019, l'Hexagone – devant l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et l’Italie- a envoyé à l’étranger l’équivalent de 45% de l’acier, 47% de l’aluminium et 100% du cuivre collecté. Or, pour ce dernier, par exemple, les besoins du pays devraient augmenter de 1,4% par an entre 2018 et à 2030, en raison de la stratégie d'électrification.

Par ailleurs, les conditions d'accès à l'extraction de ce métal se restreignent. En plus du gain écologique qu'il représente, l'amélioration du recyclage du cuivre apparaît donc comme « un enjeu de compétitivité pour les entreprises françaises qui vont devoir faire face à des ruptures de chaîne d'approvisionnement et à l'inflation des matières premières », détaille Hélène Bortoli Puig, cheffe du service écoconception et recyclage à l’Ademe. Plus globalement, « le recyclage des grands métaux n’est pas optimal », ajoute Hélène Bortoli Puig pour qui de nouvelles technologies et l'évolution des pratiques de tri pourraient changer la donne.

Importation de déchets

Parmi les 11 matériaux dont elle a présenté le bilan du recyclage, l'Ademe a également mis en lumière le textile et le plastique. La collecte de ce dernier a considérablement progressé entre 2012 et 2021. Elle est passée de 400 000 tonnes en 2012 à 1,3 Mt en 2021. Toutefois, cette progression demeure trop faible par rapport aux objectifs nationaux et européens : le taux de collecte plafonne à 25 % . Résultat, depuis une dizaine d'années, la France a légèrement augmenté son importation de déchets plastiques, par exemple ceux des bouteilles destinés à la préparation de la résine PET. Autre point faible : si l'incorporation de plastiques recyclés dans la production a progressé, elle reste elle aussi insuffisante. Or, sur le plan écologique, le gain de l'incorporation d'une tonne de plastique recyclé est important : il permet d'éviter 2,7 tonnes d'équivalent CO2, rappelle l'Ademe. Au total, l'Agence de la transition écologique appelle à des efforts sur plusieurs fronts pour le recyclage du plastique, en particulier la qualité du triage et l'accroissement des capacités de recyclage.

Autre matériau où des progrès importants restent à faire : les textiles. En 2021, la collecte n'a concerné que 244 000 tonnes sur un gisement de déchets estimé à environ 800 000 tonnes par an. La collecte est donc très insuffisante mais c'est aussi chacun des maillons de la chaîne de traitement de ces déchets qui devra être améliorée. En effet, encore plus que pour le plastique, le gain environnemental de l'incorporation d'une tonne de textile recyclé dans la production est important : 7,1 tonnes d'équivalent CO2. La situation de cette filière devrait évoluer très rapidement sous l'impact de la législation : à partir de 2025, la collecte de tous les déchets textiles, y compris les textiles professionnels et techniques devient obligatoire.

Fermer la boucle

Réglementation, mais aussi soutien financier de l'Etat accompagnent et encouragent ces transformations en matière de recyclage. L'Ademe y contribue en soutenant des projets à l'image de « Close the Lopp », un projet de recherche et développement mené par plusieurs industriels dont Constellium spécialiste de la fabrication d'aluminium pour plusieurs industries (issu de Pechiney, 7,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires). L'enjeu : passer d'une boucle de recyclage « ouverte » à « fermée », à l'image de celle des cannettes de boisson lorsqu'elles sont correctement recyclées. En effet, elles peuvent être ensuite refondues en bobines à partir desquelles sont refabriquées des cannettes. Le projet mené par Constellium vise cet objectif pour l'aluminium dans l'automobile. « Nous produisons de l'aluminium pour carrosserie, laquelle vit 15 ans. Après, la filière de recyclage extrait l'essentiel de l'aluminium de ces véhicules hors d'usage. Mais le matériau est décyclé : il sert à faire autre chose, comme des produits moulés, des blocs moteurs ( qui demandent une qualité d’aluminium moindre) , ou alors il est exporté vers l'Asie », explique Olivier Rebuffet, responsable recherche et développement automobile chez Constellium. Mettre en place une « boucle fermée » devrait être possible. « Le gisement est là » pointe-t-il. En Europe, 6 millions de véhicules sont collectés chaque année (2 millions en France). Avec les acteurs de la filière, Constellium travaille donc à diverses technologies et méthodes de tri qui devraient permettre de récupérer l'aluminium propre à la réalisation de carrosseries, et diminuer ainsi la consommation du matériau primaire pour la construction des véhicules. L'enjeu est primordial, rappelle Olivier Rebuffet. Depuis une vingtaine d'années, la quantité d'aluminium employée pour fabriquer une voiture a très fortement augmenté jusqu'à atteindre 200 kg en moyenne. Or, celui recyclé émet 20 fois moins de CO2 que l’aluminium primaire. Un bilan écologique auquel les clients de Constellium , les constructeurs automobiles, tenus de réduire leur empreinte carbone, sont attentifs.