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Made in France : le Slip Français change de modèle

Le Slip Français change de cap pour proposer des produits meilleur marché. L'entreprise devenue emblématique du Made In France alerte sur la fragilité de celui-ci et sur ses difficultés de financement. Témoignage de Guillaume Gibault, fondateur, qui rencontrait la Délégation aux entreprises du Sénat.

© Adobe Stock
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« Ça passe ou ça casse ». Le 10 avril, à Paris, Guillaume Gibault, fondateur de Le Slip Français et Léa Marie, directrice générale déléguée de l'entreprise, témoignaient des difficultés actuelles de leur entreprise, dans le cadre de la rencontre « La parole aux Entrepreneurs », organisée par la Délégation aux entreprises du Sénat. Le fondateur de Le Slip Français, entreprise devenue symbole du MIF, Made in France, a d'abord rappelé son parcours : après avoir travaillé pour une chaîne de distribution bio, le jeune diplômé de HEC a eu envie de « créer ma boite, une boite qui raconte une histoire ». La boite, fondée en 2011, c'est donc « Le slip français ». L'histoire, ce sera celle du Made in France. Au début de cette décennie, elle s'inscrit dans une vague montante. Par exemple, le salon du Made in France naît en 2012. Cette année là, à l'occasion des élections présidentielles, Guillaume Gibault fait le buzz lorsqu'il ose : « le changement de slip, c'est maintenant », plagiant le « Le changement, c'est maintenant » du candidat Hollande. Le récit du MIF, mâtiné d'impertinence résonne.

Une décennie plus tard, la société est devenue entreprise à mission (réinventer l'industrie française). Elle compte une centaine d'emplois directs. De plus, « 80 usines travaillent pour nous, cela fait 300 emplois indirects », complète Guillaume Gibault. « Avec 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, nous sommes la plus grande marque du Made in France. Le champion, mais un tout petit champion ! (…) Notre entreprise est devenue un symbole, nous nous battons tous les jours, mais sans aucun avantage et dans un contexte économique très compliqué », relate l’entrepreneur. En bref, en dépit de la fréquentation actuelle du salon du Made in France – plus de 100 000 visiteurs- , de la visibilité de marques comme 1083 (jeans) ou Le Slip Français, l'histoire que raconte le « champion » du MIF, est celui d'un phénomène resté très limité : aujourd'hui, 3,3% seulement du volume de vêtements vendus en France le sont, selon l'observatoire économique de l'IFM, Institut Français de la Mode.

Le MIF, un objet financier « un peu casse-gueule »

« L'entreprise est fragile », alerte Guillaume Gibault. Le MIF souffre du contexte inflationniste et le modèle économique de Le Slip Français avec : le boxer homme à 40 euros, cela ne passe plus. La société a donc décidé d'un changement de cap radical, en lançant une nouvelle gamme (R)évolution, avec des produits à 20 euros. 30 000 exemplaires ont déjà été vendus depuis le début du mois d'avril. Le début d'une nouvelle histoire ? « Nous sommes partis du prix souhaitable sur le marché et nous nous sommes demandés comment y parvenir », explique Léa Marie. La réponse : la quantité – sans toucher à la qualité-. Cela implique un changement des modes de distribution initiaux (boutiques et Internet) pour aller vers la grande distribution. Les discussions sont en cours. Mais la solution est également industrielle, souligne Léa Marie qui a mis sur pied un outil de partage entre les différents acteurs de la chaîne de production. « Nous avons joué le rôle de fédérateur », explique-t-elle.

Côté financement, Le Slip Français a levé 3,58 millions d'euros en faisant appel au financement participatif (plateforme Lita.co), en 2023. En 2015 et 2016, l'entreprise avait levé un total de 10 millions d'euros auprès d'investisseurs privés. Le financement constitue un sujet particulièrement « épineux », commente Guillaume Gibault qui récapitule les « non ». Ceux des banquiers, rebutés par un Ebidta de 300 000 à 400 000 euros et le domaine du textile. Ceux des fonds d'investissement, des fonds à impact, des investisseurs institutionnels comme BpiFrance qui ne s'engagent qu'en cofinancement, du plan France 2030, qui mise sur la rupture technologique... Quant aux potentiels investisseurs du secteur, tels Hermès ou Vuitton, « j'y ai passé des heures, il ne se passe rien. Leur seule clé de lecture, c'est la rentabilité de l'entreprise. (…) Pourtant, si j'étais Hermès, je mettrais un ticket ! », s'agace Guillaume Gibault . Au total, « nous ne rentrons dans aucune case. Nous sommes un objet un peu casse-gueule ! ».