Le commerce équitable se sort bien de la crise

Dans un contexte de consommation alimentaire décroissante, le commerce équitable a vu son chiffre d'affaires progresser à un rythme légèrement inférieur à celui de l'inflation, en 2023. Les principes de ce modèle économique semblent trouver une adhésion toujours plus forte chez les Français, marqués par la crise du monde agricole.

© Adobe Stock.
© Adobe Stock.

« Nous nous en sortons bien ». Le 25 avril, à l'occasion de la « Quinzaine du commerce équitable », qui se tient jusqu’au 26 mai, Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France, présentait les résultats 2023 des produits labellises Fairtrade/ Max Havelaar , lors d'une conférence de presse en ligne. En France, ce label distingue 3 600 produits qui répondent aux exigences économiques, sociales et environnementales du commerce équitable (dont un prix fixé en fonction de sa viabilité pour le producteur) . « 2023 est une année très satisfaisante à de nombreux égards, dans un contexte de consommation inédit. Nous n'avons pas subi une désaffection des consommateurs vis-à-vis de nos produits, alors qu'ils ont par exemple renoncé à des produits premium pour baisser en gamme », a commenté Blaise Desbordes. Atteignant 1,3 milliard d'euros, l'évolution du chiffre d'affaires (+ 4%) est légèrement moins forte que le rythme de l'inflation (+ 4,6%).

Toutefois, selon Max Havelaar France, en volume, le commerce équitable est loin d'avoir connu la baisse subie par la consommation alimentaire globale (-3,3%, d'après l'Insee), l'an dernier. Le marché du commerce équitable reste pour l'essentiel concentré autour de quelques catégories « phares » de produits : le chocolat, les biscuits et confiseries ( 37%), le café ( 29%), et les fruits ( bananes essentiellement, 16%). L'an dernier, le chiffre d'affaires des fruits et du chocolat a augmenté bien au delà du rythme de l'inflation ( 11% et 15%). C'est également le cas des pâtes et riz (+26%), des produits textiles (+55%) et du thé (+38%). En revanche, le chiffre d'affaires du café a diminué de 3%. Néanmoins, la filière reste en progression moyenne de plus de 21% depuis 2019. Et l'an dernier, Max Havelaar a augmenté le prix minimum garanti pour assurer aux caféiculteurs ( de 1,40 à 1,80 US/livre pour l'arabica) des revenus décents. Depuis 2021, les prix du café sont à la hausse sur les marchés internationaux.

Un prix plancher n'est pas un prix administré

2023 s'est révélée une année fructueuse pour le commerce équitable sur un autre plan aussi, celui des idées. En effet, l'année a été marquée par les manifestations nées de la crise du modèle agricole français, lequel n'assure pas une rémunération viable aux agriculteurs, une préoccupation au cœur de ce modèle économique alternatif. Et d'après le sondage Opinion Way pour Max Havelaar France présenté lors de la conférence de presse, les idées des Français s'en rapprochent. Ainsi, les deux tiers des sondés estiment que la crise n'est pas résolue, et 59% d'entre eux que les mesures proposées par le gouvernement ne sont pas satisfaisantes. Et surtout, 86% des Français sont d'accord avec le principe d'un prix plancher. « C'est un plébiscite », note Blaise Desbordes qui se réjouit de voir l'un des principes de fonctionnement du commerce équitable porté haut dans le débat public : la construction du prix de vente sur la base d'une juste rémunération du producteur (et pas seulement des coûts de production ). « Il ne s'agit pas d'un prix administré », précise Blaise Desbordes. Pour lui, il s'agit de la reconnaissance de la justesse d'une démarche entrepreneuriale et le fruit d'une démarche concertée au sein d'une filière. « Le commerce équitable est un modèle économique, ce n'est pas de la charité », insiste Jean-Pierre Blanc, directeur général de Malongo, torréfacteur (110,8 millions d'euros de chiffre d'affaires). Lui a été le premier à introduire le café équitable dans la grande distribution dans les années 1990. Autre point sur lequel les Français rejoignent les principes du commerce équitable : la nécessité de la transparence (avec affichage sur l'étiquette) : neuf Français sur 10 y sont favorables.