La crise transforme le secteur de la formation professionnelle

La crise transforme le secteur de la formation professionnelle

Le défi du secteur de la formation est de devoir former davantage de monde dans un temps très court, avec moins de moyens. Les solutions ? Former à distance et développer les compétences au plus près des situations professionnelles.

88% des DRH français disent avoir adapté leur offre de formation en ligne pour continuer à former leurs équipes pendant ou depuis la crise du Coronavirus. Modules d’e-learning et classes virtuelles ou webinaires ont été fortement privilégiés (respectivement 55% et 63%). Deux tiers des formations initialement prévues en présentiel ont finalement basculé sur un format en ligne et pour 86% des DRH, les formations désormais organisées par leur entreprise auront lieu davantage à distance. Ces résultats proviennent du baromètre européen Cegos «Transformations, Compétences et Learning», édition 2020*.

Première tendance mise en avant : la crise accélère la tendance des formations à distance et la digitalisation de la formation. Celles-ci s’étaient fortement développées déjà sur les deux dernières années : ainsi 46% des salariés français ont bénéficié d’une formation à distance en ligne (+20 points) et 23% d’une formation mixte (+2 points). Du côté des salariés, près d’un sur deux a participé à au-moins une formation à distance proposée par leur entreprise pendant la crise et le confinement. Ces formations ont été jugées « satisfaisantes » par la quasi-totalité des salariés (97%). « Le confinement et les mois qui ont suivi ont permis à toutes les parties prenantes de la formation de déployer, voire de tester massivement des formations à distance, avec des taux de satisfaction proches de ceux qu’on observe en présentiel » affirme Mathilde Bourdat, manager offre et expertise formation au sein du groupe Cegos. En ce qui concerne les thématiques, les deux formations les plus largement proposées par les RH avaient trait au télétravail et à la gestion du stress. « La formation est polarisée sur la nouvelle donne du travail à distance », confirme Mathilde Bourdat.

Risque d’obsolescence des compétences

« Excellente nouvelle dans le contexte actuel, les salariés ont envie de se former. Or, c’est un défi majeur pour les organisations que leurs collaborateurs se sentent responsables de leur développement professionnel », note Mathilde Bourdat. Ils ont en outre bien assimilé la nécessité d’être proactifs : 90% d’entre eux se disent prêts à se former par eux-mêmes pour s’adapter aux transformations des emplois et des métiers. Deux tiers sont ainsi prêts à suivre une formation en dehors de leur temps de travail et un tiers à la financer eux-mêmes leur formation.

Malgré ce regain d’intérêt de la part des salariés, le baromètre pointe du doigt le risque d’obsolescence des compétences dans les trois ans à venir. Ainsi, selon les DRH, ce risque concernerait un emploi sur deux (47% soit + 8 points vs 2019). Un sentiment partagé par les salariés puisque 81% d’entre eux craignent ainsi que les multiples transformations modifient le contenu de leur travail. Ils sont toutefois de moins en moins nombreux (27%) à redouter une disparition pure et simple de leur métier. De même, seuls 21% des salariés (-5 points vs 2019) se disent « dépassés » par la technologie : désormais bien déployée et partie intégrante du quotidien professionnel, la digitalisation semble mieux apprivoisée par les salariés et ses effets moins « fantasmés » qu’il y a encore quelques années.

Pour faire face aux risques d’une « impasse compétences », les DRH français prévoient de mettre en place des programmes de montée en compétences sur les postes actuels (upskilling) ou, dans une moindre mesure, de les développer sur d’autres métiers (reskilling). « Jusqu’à très récemment, les RH résolvaient les tensions existantes sur certains postes prioritairement en recrutant. Aujourd’hui, économiquement plus contraints, ils misent plus largement sur la montée en compétences de tous leurs collaborateurs », relève Christophe Perilhou, directeur learning & solutions du groupe Cegos. Ainsi, le développement des compétences est aujourd’hui considéré comme un levier stratégique par la très grande majorité des salariés (85%) comme des DRH (91%). A ce titre, les compétences comportementales (softskills) et digitales sont clés et doivent être impérativement renforcées. Troisième priorité, les compétences managériales. De leur côté les salariés, pour une très large majorité d’entre eux, souhaitent s’améliorer sur chacune des compétences transverses pointées comme prioritaires par les DRH : communication au travers du numérique, esprit d’initiative et d’entreprise, collaboration et travail à distance.

Des formations au plus près des situations de travail

Le dispositif « FNE renforcé », mis en place par le gouvernement au début de la crise Covid-19, a permis de maintenir l’accès à la formation des collaborateurs de leur entreprise pendant la crise sanitaire. A plus long terme, dans le nouveau contexte de financement de la formation introduit par la loi « Avenir Professionnel », 67% des DRH (+15 points vs 2019) estiment que les dépenses de formation sur fonds propres de l’entreprise vont se stabiliser. Seuls 23% prévoient une augmentation. Pour former à budget constant, les entreprises considèrent qu’il faut ancrer les formations dans des situations réelles de travail. « Salariés comme DRH convergent sur la nécessité de se former au plus près des situations professionnelles de travail et des besoins individuels », note Mathilde Bourdat. C’est en outre un facteur jugé important pour engager les salariés à suivre une formation, au même titre que la facilité d’accès aux contenus de la formation.

Autre démonstration de l’importance de la performance en France, les critères les plus importants pour les salariés pour choisir une formation sur l’application « Mon Compte Formation » sont les débouchés liés à la formation (35%), devant la réputation de l’organisme délivrant la formation (22%) et le prix (22%). La performance apparaît également comme un défi structurant pour les directions opérationnelles et métiers : 76% des DRH français constatent ainsi que ces dernières sont de plus en plus impliquées dans les actions de formation. Conséquence directe : les DRH se retrouvent fortement challengés sur leur capacité à assurer rapidement la montée en compétences (« time to competency ») et à délivrer des solutions formation qui produisent des résultats (l« performance learning ») en situation de travail ou en matière d’employabilité.

* Baromètre européen 2020 réalisé auprès de 1 783 salariés et 254 directeurs RH/Formation travaillant tous dans des entreprises du secteur privé de 50 collaborateurs ou plus, interrogés en France, Allemagne, Espagne, Italie

Charlotte De SAINTIGNON