La crise n'a pas affecté les projets internationaux des entreprises

PME, ETI et start-up maintiennent leurs projets d'implantation à l'international. En se tournant de plus en plus vers l'Europe, d'après le baromètre Banque Populaire-Pramex international.

De gauche à droite,  Jérôme Bonnet directeur général de Pramex International,  Bertrand Magnin,  directeur du développement Banque populaire
De gauche à droite, Jérôme Bonnet directeur général de Pramex International, Bertrand Magnin, directeur du développement Banque populaire

Un nouveau signe encourageant, quant à la santé de l'économie française. Le 10 septembre, lors d'une conférence de presse, à Paris, Banque Populaire et Pramex International, filiales du groupe BPCE, présentaient la 5ème édition de leur baromètre consacré aux projets d'implantation à l'étranger, qu'ils prennent la forme de la création d'une filiale ou de l'achat d'une entreprise déjà existante. L'étude est intitulée « PME, ETI et start-up : s'implanter à l'international, une stratégie inchangée même en 2020 ». Le constat principal ? La crise du Covid n'a pas « eu un impact significatif sur les intentions des entreprises », en matière d'implantation à l'étranger, dévoile Jérôme Bonnet, directeur général de Pramex International. Les avis des dirigeants recueillis lors du sondage en témoignent. « 51% d'entre eux ont déclaré avoir maintenu leurs projets d'investissements », annonce Jérôme Bonnet. Pour le reste, 43% ont simplement décalé ces projets, 3% les ont accélérés et 3% seulement les ont annulés.

Mieux, la crise du Covid pourrait même avoir un effet de booster, par rapport aux projets à l'international. En effet, si 81% des dirigeants n'entendent pas changer de stratégie à l'international, 13% comptent explorer des opportunités d'implantation locale. Celle-ci pourrait se révéler plus efficace pour continuer à accéder au marché visé, en cas de crise. A contrario, toutefois, 6% des dirigeants préfèrent privilégier l'export. Autre dynamique potentiellement favorable, celle, circonstancielle, des entreprises à reprendre à l'étranger. « Dans les 16 à 24 mois, il va y avoir des opportunités d'achat, en raison de la baisse du prix des actifs. C'est le moment d'aller faire du shopping dans beaucoup de secteurs (…). En France, la trésorerie des entreprises a été mise sous perfusion, mais cela n'a pas été le cas dans tous les pays », décrypte Jérôme Bonnet. La Pologne et l'Italie notamment, pourraient représenter des viviers d'entreprises intéressantes à racheter à bas coût, car fragilisées par la crise. Au total, pour 12% des dirigeants, recourir à l'acquisition devient une nouvelle option pour leurs projets internationaux. Toutefois, « un projet d'implantation se mûrit dans la durée », tempère Bertrand Magnin, directeur du développement chez Banque Populaire. A ce titre, même le bon état général de la trésorerie des entreprises françaises, dû notamment au PGE, Prêt garanti par l’État, « n'a pas changé les projets ». Chez Banque Populaire, 30% des clients de l'établissement ont souscrit un PGE et parmi eux, 60% ne l'ont pas encore consommé. En rassurant les entreprises, la mesure a permis un redémarrage rapide, estime le banquier.

Un dynamisme prudent

Si la pandémie n'a pas bouleversé les stratégies d'implantation des PME, ETI et start-up françaises à l'étranger, une évolution au plus long cours se dessine. « Ces quatre dernières années, le barycentre des implantations s'est repositionné sur l'Europe. Elle constitue la première destination des investissements », constate Jérôme Bonnet. De fait, en 2020, l'Europe concentre 51,8% des investissements de ces entreprises, contre 45% en 2017. Les destinations lointaines demeurent l'apanage des grands groupes. En termes de pays, toutefois, ce sont les États-Unis qui représentent la première destination des investissements directs à l’étranger (13,6% du total). En 2020, ils ont connu un rebond de 20% après le « trou d'air » de 2019, peut-être lié aux incertitudes de la présidence Trump. En Europe, l'Allemagne, au marché rassurant, est la première bénéficiaire de la réorientation géographique des projets d'implantation. Sa part de marché a progressé de 26% en 2020, pour atteindre 9,2%, ce qui en fait la première destination européenne. Le Royaume-Uni reste en deuxième place. « L'onde de choc » liée au Brexit n'a pas eu lieu, constate Jérôme Bonnet. A rebours, l'événement a même pu conduire des entreprises à s'implanter outre-Manche, afin de se soustraire aux nouvelles restrictions de circulation des biens et des personnes. L'Espagne, elle, troisième, a enregistré une forte baisse des investissements français. « Il y a eu une perte de vitesse. En effet, l'économie espagnole est basée sur les biens de consommation et du tourisme, très touchés par la crise. Toutefois, en 2021, et tout particulièrement depuis juillet, la dynamique des investissements a repris », constate Jérôme Bonnet. Quant à l'Italie, quatrième, elle demeure le « terrain de jeu des Français », pointe-t-il.

Au delà des frontières européennes, d'autres évolutions se dessinent. Par exemple, en Asie, les investissements demeurent globalement stables (16,6% du total). Toutefois, on assiste à une « redistribution » des cartes au sein de la destination, estime Bertrand Magnin. Depuis trois ans, Hong-Kong a perdu beaucoup de son attractivité, sous la menace de son retour dans le giron de la Chine. A contrario, Singapour confirme son rôle de hub de l'Asie du Sud-Est. Nouveauté, l'Australie a fait son apparition dans les destinations recherchées par les entreprises françaises. Mais l'Afrique demeure la chasse gardée des grandes entreprises : pour les autres, elle ne représente que 7% des investissements, dont la moitié se concentrent au Maroc, lequel confirme sa volonté de devenir le hub de l'Afrique.

D'après les estimations Pramex International- Banque Populaire, on compte aujourd'hui environ 2 200 nouveaux projets d'investissement à l'étranger par an. Parmi eux, environ 600 émanent de grands groupes et 1 500 des autres entreprises. Et il existerait un potentiel de 10 000 autres projets. Le frein majeur ? La nécessité d'« absorber une nouvelle culture », répond Jérôme Bonnet. Un frein déjà identifié au sujet de l'export, pour lequel la France compte traditionnellement beaucoup moins d'entreprises que l'Allemagne et l'Italie. Or, dans le cas d'une implantation à l'étranger, le défi est plus large encore, à la mesure du nombre de fonctions de l'entreprise concernées ( DAF, DRH...).