La Cour des Comptes invite à dépenser plus pour soutenir le bio

Renforcer le soutien aux agriculteurs bio, mais aussi mettre de l'ordre dans les labels. Pour la Cour des Comptes, la politique publique de soutien à cette agriculture reste insuffisante.

(© Adobe Stock)
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Pour une fois, la Cour des Comptes invite à en faire plus... « La politique de soutien à l’agriculture biologique reste insuffisante », conclut son rapport publié le 30 juin. Ce type d'agriculture a connu un changement d'échelle, rappellent les magistrats. Au terme d'une décennie de croissance, elle concerne 19% des agriculteurs. Entre 2010 et 2021, la part du bio dans la surface agricole est passée de 3 % à 10 % et sa consommation a été multipliée par 3,5. L'augmentation, certes considérable, reste insuffisante par rapport aux objectifs fixés par la France et l'Union Européenne : 15% des terres agricoles en bio et de 20% de bio dans les cantines publiques, en 2022. De plus, en 2021, pour la première fois, la consommation de produits bio a baissé (-1,3 %), dans un contexte où la consommation alimentaire totale des Français a diminué de 2,3 %. La chute est particulièrement marquée dans la grande distribution non spécialisée qui représente la moitié des ventes.

Mais au delà de la conjoncture générale baissière, c'est la politique publique qui est en cause pour la Cour des Comptes : « dans tous les domaines, l’action du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire n’est pas en mesure de répondre aux ambitions affichées », estiment les magistrats, qui pointent plusieurs insuffisances. Tout d'abord, un « manque de communication » sur les impacts bénéfiques du bio et « l’illisibilité des labels ». Cette dernière aurait contribué à la baisse des achats d’aliments bio en 2021. En effet, des labels « verts » moins exigeants font concurrence à celui bio. La Cour des Comptes pointe notamment la mention valorisante HVE, Haute valeur environnementale. « Celle-ci, en réalité peu exigeante en matière environnementale, est soutenue par le ministère au même niveau que l’agriculture bio », note le rapport.

Autre insuffisance de politique publique, « les aides de la politique agricole commune (PAC) que la France consacre à l’agriculture bio ne sont pas à la hauteur des objectifs qu’elle s’est fixés » : un quart des exploitations bio n'en touchent pas. Et par exemple, l’aide au maintien en agriculture bio qui rémunérait les services environnementaux de ces exploitations a été supprimée en 2017. Dans le même sens, la Cour des Comptes estime que le soutien aux industries agroalimentaires bio et la recherche et développement en agriculture biologique sont « insuffisants ».

Plus de moyens pour l'Agence Bio

Sur ce constat sévère, la Cour des Comptes formule des recommandations destinées à permettre d'atteindre les nouveaux objectifs fixés par la France (18 % de surfaces agricoles bio, en 2027) et par l’Union Européenne (25%, de surfaces bio en 2030). Ces 12 recommandations concernent trois thèmes. Tout d'abord, il faut « mieux éclairer les choix des citoyens et des consommateurs sur l’impact environnemental et sanitaire du bio ». A ce titre, le rapport préconise, par exemple, de rehausser fortement le niveau d’exigence du cahier des charges applicable à la certification environnementale, en particulier pour la mention HVE. Et aussi, de moduler le niveau des aides en fonction des bénéfices environnementaux des labels et certifications.

Deuxième axe de préconisations : réorienter et amplifier les soutiens publics à l’agriculture bio. A ce titre, la Cour des Comptes propose notamment de conforter et élargir les missions de l’Agence Bio, groupement d'intérêt public chargé du développement, de la promotion et de la structuration de l'agriculture bio. Cela suppose de lui donner des moyens supplémentaires qui proviendraient d'une contribution accrue des interprofessions agricoles et d'un accroissement des subventions.

Troisième axe des recommandations du rapport : favoriser la création de valeur au sein du secteur agricole et alimentaire bio. A ce titre, la Cour préconise, par exemple, de pérenniser le Fonds Avenir Bio, à hauteur d’au moins 15 millions d'euros par an. En outre, un fonds d’investissement pour les industries agroalimentaires bio et un accélérateur au profit des PME agroalimentaires biologiques pourrait être mis sur pied par Bpifrance, la banque publique d'investissement. L'enjeu d'une telle politique publique est majeur, rappellent les magistrats : le développement de l'agriculture bio « est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d’entraîner les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement ».