L'Insee confirme le ralentissement de l'économie française

Ralentissement de l'activité économique, persistance des problèmes d'offre et prudence des ménages... L'Insee prévoit une fin d'année difficile.

Copyright : Pixabay
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Pour 2022, le PIB devrait afficher un taux de croissance de 2,6%, au terme d'une évolution toujours plus molle, d'après l'Insee. Le 7 septembre, son chef du département de la conjoncture, Julien Pouget, présentait son « point de conjoncture», lors d'une conférence de presse en ligne.

« La période reste marquée par l'accumulation d'une conjonction inédite de chocs exogènes », a rappelé Julien Pouget. Tout d'abord, la crise sanitaire est toujours là. L'épidémie persiste, et même si elle touche actuellement moins directement les économies occidentales, elle se traduit encore par des confinements de régions chinoises, lesquelles impactent l'écosystème mondial. S'ajoute aux problèmes sanitaires la crise géopolitique mondiale, née de la guerre en Ukraine, qui fait redouter une crise énergétique majeure. Et depuis cet été, le réchauffement climatique a encore aggravé la situation. Engendrant sécheresse et canicule, il a pesé sur certaines productions. Celle agricole a été directement impactée, mais elle n'est pas la seule. L'industrie allemande, par exemple, a pâti de problèmes de navigabilité sur le Rhin, première artère fluviale commerciale européenne, rappelle l'Insee.

Pour la France, l'institut de la statistique prévoit donc une croissance qui va aller en ralentissant jusqu'à la fin de l'année. Au troisième trimestre, elle devrait atteindre 0,2% du PIB . Le « scénario central », pour le quatrième trimestre, est de 0%. Toutefois, l'hypothèse d'une contraction de l'économie « n'est pas exclue », met en garde Julien Pouget. En juin dernier, l'anticipation était de 0,3 % pour chacun des deux trimestres. Il s'avère difficile de prévoir quelles seront les difficultés d'approvisionnement, l'ampleur de la crise énergétique ou le degré de resserrement des politiques monétaires, sans compter les aléas de la crise géopolitique, et même, celui de l'impact d'une potentielle 8ème vague épidémique, notamment sur l'économie chinoise.

Transformation de l'inflation

Dans ce cadre, l'Insee prévoit une inflation de l'ordre de 5,3%, en moyenne, sur l'année. Elle devrait se maintenir autour de 6% en septembre et octobre, en raison de la politique de limitation des prix de l'énergie et la remise sur l'essence, pour remonter ensuite, sous l'effet de la réduction de ces dispositifs et de la hausse progressive des prix des denrées alimentaires. En décembre, ces derniers devraient augmenter de 12% sur un an. « Nous nous attendons à une poursuite de la hausse des prix des produits alimentaires (…). Dans nos prévisions, ils deviendront le premier contributeur à l'inflation, juste devant l'énergie », précise Julien Pouget. La hausse des prix des biens manufacturés devraient également se poursuivre, jusqu'à atteindre 5% en décembre, sur un an.

Une multitude de phénomènes concourent à définir le niveau d'inflation, rappelle l'Insee. Les politiques publiques qui visent à la contenir pèsent lourd : à hauteur de 2,5 points, ce mois de septembre. Au printemps dernier, déjà, l'Insee avait estimé les effets du bouclier tarifaire à deux points de pourcentage d'inflation. Parmi les autres facteurs qui nourrissent l'inflation, figurent aussi la vitesse de transmission des prix de production aux prix de consommation. « Elle est progressive et partielle », note Julien Pouget. En amont, en effet, les prix de production se sont littéralement envolés depuis deux ans : +35% dans l'agriculture, + 20% dans l'industrie (hors énergie). La hausse est beaucoup moins sensible dans les services, qui dépendent principalement des coûts salariaux : + 7%. Certains secteurs font néanmoins exception à l'image du transport maritime qui affiche une augmentation de 100% de ses coûts de production. Dans ce domaine, la conjoncture actuelle recèle toutefois quelques « éléments de détente », précise Julien Pouget. C'est le cas dans l'agriculture, pour les céréales et les oléagineux, depuis le déblocage des exportations ukrainiennes. Mis à part ces exceptions, ces hausses de prix à la production témoignent de « contraintes sur la production qui apparaissent durablement importantes », pointe l’économiste.

Offre et demande en difficulté

Depuis un an et demi, le pourcentage d'entreprises qui déclarent connaître des difficultés d'offre n'a cessé d'augmenter. C'est actuellement le cas de la moitié de celles qui œuvrent dans le domaine industriel, un taux historiquement élevé. Elles sont ainsi nombreuses à éprouver des difficultés d'approvisionnement, des problèmes d'équipement et de ressources humaines. Par exemple,« Nous prévoyons un recul de la production manufacturière au troisième trimestre, car les contraintes de l'offre sont hautes et le stock de produits finis est à haut niveau », explique Julien Pouget.

Du côté des ménages, sur l'ensemble de l'année, le pouvoir d'achat des Français resterait globalement stable, avec des disparités qui peuvent néanmoins être importantes. Après s'être contracté au premier semestre, il devrait, en effet, augmenter dans la deuxième partie de l'année. Pour l'Insee, cette évolution tient à une multitude de facteurs : revalorisation du SMIC, augmentation du point d'indice dans la fonction publique, primes exceptionnelles, augmentations salariales issues des négociations de branches et au sein des entreprises, revalorisation de prestations sociales, prime exceptionnelle de rentrée, suppression de la taxe d'habitation... Pour autant, cette évolution ne se traduit pas nécessairement par une hausse de la consommation. Au second semestre, l'Insee prévoit plutôt une augmentation de l'épargne que de la consommation. Cette dernière serait toutefois être portée par les services qui devraient poursuivre leur croissance, mais de manière moins soutenue. C'est en particulier le cas de l'hôtellerie/restauration. « Les signaux sont contrastés. (…) La confiance des ménages a un peu augmenté en août, mais elle reste affaiblie», explique Julien Pouget. Quant au climat des affaires, il est resté globalement stable en août, mais cette situation résulte d'évolutions contrastées entre une amélioration dans le commerce de détail et une nette détérioration dans l'industrie.