L'automobile, dilemme dans le « monde de demain »

La pandémie a provoqué un effondrement historique du marché automobile, d'après l'Observatoire Cetelem. Pour autant, les véhicules demeurent indispensables à une très large majorité des Français. Un nouvel avenir s'esquisse, sous le signe de l'électrification.


L'automobile, dilemme dans le « monde de demain »

Baisse de 28% des immatriculations en France, en 2020 : la crise née de la pandémie a provoqué un « effondrement historique » du marché automobile, commente Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem, cellule de veille économique de BNP Paribas personnal finance. L'étude « La voiture, le divorce impossible ?», réalisée avec Harris Interactive auprès de 10 000 personnes, dans 15 pays, a été présentée le 15 décembre 2020, lors d'une conférence de presse en ligne.

Sur le long terme, passée la crise engendrée par le krach financier de 2008, le secteur a connu une « décennie d'or », rappelle Flavien Neuvy, avant que la situation ne commence à se dégrader en raison des évolutions réglementaires, puis, de la pandémie. Sous réserve de l'évolution de la situation sanitaire, l'Observatoire s'attend à un « rebond » du marché de l'ordre de 11% cette année. Toutefois, « 2021 ne retrouvera pas les niveaux d'avant-crise », prévient Flavien Neuvy. En Europe, la situation sera relativement homogène. En France, en 2021, le nombre d'immatriculations devrait atteindre 1,9 millions, un niveau inférieur à celui que connaît en moyenne ce marché mature (2 millions). Et le niveau d'avant-crise ne devrait être regagné qu'en 2023.

Par ailleurs, l'impact de la crise ne doit pas masquer plusieurs autres tendances. Tout d'abord, celle de long cours d'une « érosion régulière des ventes aux ménages (…) Ils gardent de plus en plus longtemps leur véhicule », précise le responsable. L'année 2009 a fait exception : les ventes ont été boostées par la prime à la casse, mise en place par le gouvernement pour soutenir les constructeurs. Dans le même sens, aujourd'hui, « les consommateurs se tournent plutôt vers le marché de l'occasion », pointe Flavien Neuvy. De fait, ce marché a très bien résisté durant la crise, avec une baisse limitée à -4,6% en 2020. Autre évolution importante, celle du mix énergétique des véhicules achetés. En 2020, « il y a eu une accélération très forte des ventes de véhicules électriques(…). Tout le monde a été un peu surpris par l'ampleur du mouvement, qui s'est fait au détriment du diesel, et surtout de l'essence », relate Flavien Neuvy. Leur part de marché demeure toutefois pour l'instant limitée à 2,8%.

La voiture, symbole de liberté

Derrière ces évolutions du marché, « on constate des évolutions assez rapides de la perception de l'automobile dans la société », pointe Flavien Neuvy. Globalement, ces tendances, qui concernent essentiellement l'impact environnemental des véhicules, sont communes à l'Europe entière, même si, en Allemagne et en France, pays de constructeurs automobiles, elles sont un peu plus pondérées. Aujourd'hui, 60% des Français jugent que les critiques adressées aux voitures sont « justifiées ». Dans le même sens, ils sont 64% à être d'accord avec les mesures de taxation des véhicules les plus polluants. Et 46% des Français considèrent que la voiture occupe une place trop importante dans le monde actuel. Dans un contexte où le débat public et les réglementations se conjuguent pour orienter les véhicules vers des modèles moins polluants, « l'image de la voiture s'est effritée (..). Longtemps, l'industrie automobile s'est appuyée sur la relation passionnelle avec la voiture. Mais celle-ci perd du terrain. Déjà, il y a dix ans, en Europe, elle a perdu son coté statutaire. Ce qui est nouveau, c'est qu'aujourd'hui, elle devient un objet très utilitaire », observe Flavien Neuvy. Il reste une moitié des Français qui se définissent comme des « amateurs ou passionnés » de l'automobile. Toutefois, 82% d'entre eux soulignent avant tout son coté utile. En revanche, « il reste un sujet sur lequel la voiture demeure imbattable : celui de la liberté » ajoute-t-il. Pour 9 Français sur dix, la voiture en reste le symbole. Par ailleurs, avec la pandémie, la voiture individuelle, qui permet d'éviter la promiscuité des transports en commun, est devenue un refuge : 79% des Français s'y sentent protégés de l'extérieur...

80% de Français automobilistes

En dépit des critiques grandissantes, « 65% des personnes en France disent qu'elles ne peuvent pas se passer de leur véhicule », note Flavien Neuvy. Mais la tendance est en forte baisse : il y a quatre ans, ils étaient 80%. Et les réponses à cette question varient fortement en fonction du lieu de résidence : la voiture demeure indispensable au quotidien des habitants des zones péri-urbaines ou rurales. Au total, « il y a 80% de Français automobilistes », pointe Flavien Neuvy. Et l'utilisation de son véhicule demeure intensive : dans 85% des cas, elle est quotidienne. On l'utilise pour aller au travail, faire ses courses, transporter ses enfants...Résultat, 35% seulement des Français jugent qu'ils pourraient vivre sans voiture. C'est dans ce contexte que se dessine l'avenir de l'automobile.

Parmi les tendances déjà décelables, celle d'une perte de terrain dans les grandes métropoles : 63% des Français sont favorables à une réduction de la place de la voiture dans les villes. Et la crise a joué un « rôle d'accélérateur » de cette tendance, constate Flavien Neuvy. Les citadins se sont équipés de vélos électriques, pour éviter les transports en commun. Et les municipalités ont instauré de nouvelles pistes cyclables, qui pourraient bien être pérennisées. Toutefois, les zones péri-urbaines demeurent à l'écart de ce changement. « Ce sont deux France qui ne se comprennent pas », pointe Flavien Neuvy.

L'électrification semble aussi faire partie de l'avenir de l'automobile. En effet, 67% des Français considère la voiture électrique comme une solution aux problèmes de réchauffement climatique. Et 17% de ceux qui envisagent d'acheter une voiture entendent la choisir électrique. Plus du quart (26%) préfère l'hybride, à équivalence avec l'essence, et plus que le diesel (18%). Les intentions d'achats de véhicules électriques sont « considérables » , selon Flavien Neuvy, pour qui l'impact du bouche à oreille devrait favoriser leur développement. Il reste cependant des freins. En particulier, « les bornes de recharge sont encore en nombre insuffisant aux yeux des automobilistes », explique le responsable.