Financement des entreprises : incontournable crédit bancaire ?

Le financement bancaire reste de très loin la solution la plus employée par les entreprises. Et les taux d'obtention des crédits demeurent élevés, selon la Banque de France. Mais la hausse des taux d'intérêt pourrait peut-être faire évoluer cette situation.

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Le crédit bancaire semble avoir encore de beaux jours devant lui. Le 29 février, la Délégation sénatoriale aux entreprises organisait une table ronde consacrée à « Banques, marchés, fonds, particuliers : quels acteurs pour financer l'entreprise de demain?». Aujourd'hui, l'état des lieux est celui du « poids prépondérant du financement bancaire. Toutefois, les lignes bougent », constate Olivier Rietmann, (LR, Haute-Saône) président de la délégation sénatoriale aux entreprises. Les lignes, cependant, bougent plutôt lentement. En 2009, le financement bancaire représentait 70% du total du financement des entreprises, d'après la Banque de France. En 2023, ce ratio s'élève encore à 66%. Les encours de crédits aux entreprises en France atteignent 1 350 Mds€ , d'après la Fédération bancaire française (FBF). Et l'écosystème existant semble répondre – pour l'essentiel- aux besoins actuels des entreprises.

Même si la situation est en train d'évoluer, en raison de la hausse des taux d'intérêt, actuellement, « le financement ne figure pas parmi les premiers freins à la croissance », cités par les entreprises, explique Frédéric Visnovsky, Médiateur national du crédit et président de l'Observatoire du financement des entreprises de la Banque de France. D'après celle-ci, post-Covid, le financement de l'investissement est resté dynamique. Au total, les nouveaux crédits bancaires ont représenté 315 milliards d'euros en 2023, contre 373 l'année précédente. En dépit de la baisse, le niveau donc reste haut. Par ailleurs, « les taux d'obtention des crédits demeurent élevés », note Frédéric Visnovsky. Par exemple, 96% des PME obtiennent les crédits d'investissement demandés, selon la Banque de France. « Les PME accèdent largement au crédit. Nous travaillons avec la Médiation du crédit pour trouver un terrain d'entente et notre objectif est de réussir tous les financements responsables », commente Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF). Selon cette dernière, il serait difficile de faire beaucoup mieux en matière de crédit, des situations financières fragiles ou d'endettement trop lourd expliquant logiquement des refus de prêt. En revanche, certains investissements d'avenir peuvent se révéler difficiles à financer : les projets de transition écologique sont difficiles à rentabiliser. « Cela représente un frein pour les banques », note Frédéric Visnovsky.

Faut-il « déverrouiller » ?

Face au crédit bancaire, prépondérant, les autres modes de financement restent très limités. Leurs représentants, ceux du financement participatif et du capital-investissement, en appellent à un « déverrouillage » des dispositifs qui, pour eux, brident leur croissance. « Nous ne sommes pas sur les mêmes masses que le crédit bancaire », résume Bertrand Rambaud Président de France Invest, qui réunit les acteurs du capital-investissement. Les chiffres du secteur : 53,7 milliards d'euros investis, par an, en capital dans les entreprises et 52,8 milliards levés. La situation pourrait-elle évoluer ? Avec la hausse des taux d'intérêt, le contexte vient de changer de manière assez radicale : pour les entreprises, la nécessité de disposer de fonds propres suffisants prend une autre dimension. Mais de l'autre côté, le président de France Invest s'inquiète de voir « moins d'argent qui arrive dans nos fonds d'investissement pour financer les entreprises ». Il en appelle à « déverrouiller » les dispositifs qui freinent les investissements des banquiers et assureurs dans les fonds d'investissement. France Invest regarde aussi à l'épargne individuelle « dans un cadre strict et réglementé, car il s'agit d'une grande responsabilité », précise Bertrand Rambaud .

Dans le même sens, Florence de Maupeou, directrice générale de Financement participatif France, qui regroupe les professionnels du secteur, estime qu'il faudrait libérer ce dernier « d'exigences parfois disproportionnées » des règlements, voire, de mettre en place des incitations fiscales pour encourager les Français à contribuer. En 2023, le financement participatif a collecté environ 2 milliards d'euros, en recul de 11,3%, en raison de la baisse de la collecte dans l'immobilier qui représente les deux tiers des montants. Mais Frédéric Visnovsky rappelle un autre enjeu majeur en matière de financement des entreprises : le crédit interentreprises, qui représente 700 milliards d'euros. Un enjeu crucial : les retards de paiement se sont accrus en 2023, au détriment de la trésorerie des plus petites entreprises.