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Développement durable et biodiversité : qu’attendre de la science et des technologies ?

Les technologies sont à la fois fustigées pour leur fort impact environnemental et très prisées pour aider à lutter contre le réchauffement climatique ; et, avec la science, contribuer à préserver la biodiversité. Un paradoxe à résoudre.

(© Adobe Stock)
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Jusqu’au début des années 2000, l’impact environnemental du numérique n’était pas ou fort peu pris en considération. Les premières cibles furent les grands centres de traitement informatique - les datacentres - puis les parcs d’ordinateurs, puis les smartphones répandus par dizaines de millions. Dans les années 70, deux courants s’opposaient : techno-pessimistes et techno-optimistes. Cette confrontation entre écologie et économie a pris d’autres formes. Car, grâce aux avancées scientifiques et à certaines ruptures technologiques, le « digital » créant des emplois s’est imposé partout, y compris pour contribuer à la décarbonation des filières de l’économie. Pourtant, à juste titre, le débat sur la croissance demeure. Mais qui préconiserait un retour en arrière et un abandon des acquis techniques?

Le principe de sobriété

L’urgence climatique a conduit au principe de sobriété numérique, aujourd’hui inscrit en France dans la loi (du 15/11/2021). Ainsi, tout consommateur apprend qu’il faut, non seulement, limiter ses usages afin de diminuer les émissions de CO2, mais éviter de racheter trop fréquemment des produits neufs ; car sur l’ensemble du cycle de vie, c’est la phase de fabrication qui génère le plus de gaz à effet de serre et requiert des matériaux rares ou coûteux à extraire proprement (lithium, nickel, cobalt…). D’où, les nouveaux modèles de consommation : louer, partager des services plutôt qu’acheter des équipements neufs : ordinateurs, serveurs informatiques (mutualisés sur le ‘cloud’), véhicules électriques en leasing… A charge aux fournisseurs de les entretenir, de les renouveler ou de les reconditionner, jusqu’à les recycler en fin de vie.

Les énergies fossiles, même encore disponibles, sont proscrites. Et comme les ressources de la planète ne sont pas illimitées, rien ne garantit que les avancées technologiques, y compris dans l’agroalimentaire, seront suffisantes pour satisfaire les besoins de 10 milliards d’humains.

En parallèle, la sauvegarde du vivant et de la biodiversité est devenue critique du fait de la destruction des écosystèmes, notamment la forêt, et cela malgré de nombreuses dispositions réglementaires.


Des échéances très courtes

Le salut du monde par la technologie fait parfois figure de mythe. Les échéances de réduction d’émission de gaz à effet de serre (-55% en 2030, pour l’Union européenne) se rapprochent très vite. Que faire en sept ans, alors que les engagements pris par beaucoup de pays membres, dont la France, ne sont pas tenus ?

Le fait est là : si le numérique est souvent épinglé pour sa surconsommation et son gaspillage, il fait partie de la solution. La mise en œuvre des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque…) nécessite beaucoup d’électronique – capteurs, processeurs, logiciel… - le tout étant gérable depuis un smartphone. De même, pour suivre l’impact environnemental d’une industrie ou d’un système, il faut recourir à des outils de mesure, à des tableaux de bord, etc. Et si certains relevés sont initialement approximatifs, ils s’améliorent et gagnent en pertinence.

Limites dans la biodiversité et le nucléaire

Comparativement, le suivi de la biodiversité s’avère beaucoup plus complexe. Car la modélisation du vivant est quasi impossible. Certains spécialistes mettent leurs espoirs dans les systèmes quantiques... Quand ?

La technologie et la science montrent également leurs limites en matière d’énergie nucléaire. L’Allemagne vient de confirmer qu’elle y renonçait, tandis que la France persévère. La filière EPR n’a réellement démarré qu’en Chine et en Finlande. En France, elle est en panne et les coûts ont explosé, en attendant la relève de 14 réacteurs EPR2 dans 10 à 20 ans.
Autre promesse, la technologie de fusion nucléaire (et non plus de fission) : la recherche progresse mais lentement : le démarrage d’ITER à Cadarache, financé par 35 pays, a été repoussé de 2025 à 2030.

Entretemps, d’autres alternatives émergent plus rapidement autour d’énergies plus vertes, plus décentralisées - dont l’hydrogène.

Pour avancer, il convient donc de continuer à collecter des données « écologiques », à créer des indicateurs et à évaluer l’impact des usages. Faudra-t-il tout numériser ? Beaucoup de solutions existent déjà, tirant parti des infrastructures existantes. Et puisqu’il convient de faire plus avec moins, en développant des activités nouvelles en circuit court et en économie circulaire, la sobriété et les économies d’échelle s’imposent. C’est aussi une question d’éthique et de transparence - démarche consensuelle et pragmatique prenant en compte l’insertion, l’égalité des chances, le développement des talents, la redistribution des richesses, etc. Vaste programme, enfin crédible, qui dans l’entreprise s’appelle RSE… -service avec lequel la Direction des systèmes d’information et les métiers vont devoir mieux échanger.

Pierre MANGIN