Europe

De nouvelles règles budgétaires européennes plus crédibles ?

Après la fin espérée de la pandémie de Covid-19, la Commission européenne a dévoilé une proposition de nouvelles règles budgétaires, pour tenir compte des niveaux très élevés atteints par les dettes publiques au sein de l’Union européenne…

(© Adobe Stock)
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Au Conseil européen d’Amsterdam, en juin 1997, fut créé le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), cadre budgétaire contraignant dont l’objet était de coordonner les politiques budgétaires des États membres — celles-ci demeurant une compétence nationale — et de maintenir une stabilité de leurs finances publiques. Depuis, ce cadre a connu de nombreuses évolutions, au gré des crises de toutes natures… La proposition faite par la Commission européenne, dévoilée le 9 novembre, n’en sera donc, au fond, que la énième révision.

Les règles initiales du Pacte de stabilité et de croissance

À l’origine, il s’agissait, après la création de la zone euro en 1999, d’assurer la discipline budgétaire de tous les États membres de l’UE, qu’ils aient adopté l’euro ou non. Pour ce faire, deux règles furent mises en avant pour tous les États : un déficit public inférieur à 3 % de leur PIB et une dette publique limitée à 60 % du PIB. Plus précisément, le PSC s’appuyait sur un volet préventif (budget proche de l’équilibre, contrôle commun des trajectoires budgétaires nationales…), ainsi qu’un volet correctif, déclenché si le déficit public d’un État était supérieur à 3 % du PIB et inspirait des craintes au Conseil des ministres de l’Économie et des Finances de l’Union (Ecofin).

Dans ce dernier cas, souvent qualifié de « déficit excessif », ou plus couramment de « dérapage budgétaire », la procédure consistait, dans un premier temps, à faire adresser par la Commission européenne un avertissement à l’État concerné, puis éventuellement des recommandations précises par l’Ecofin. Et ce n’est qu’en l’absence de mesures correctives que des sanctions pouvaient être prises, notamment sous forme d’amendes (0,2 à 0,5 % du PIB de l’État).

Évolution des règles budgétaires

Au regard des dérapages budgétaires de l’Allemagne et de la France au début des années 2000, l’Ecofin a fort opportunément modifié le PSC en 2005, en y ajoutant une tolérance lors d’un dépassement « exceptionnel et temporaire ». Dès lors, des circonstances exceptionnelles, une entrée en récession, des investissements majeurs en R&D ou des réformes structurelles sont devenus des raisons valables pour un État de présenter un déficit supérieur à 3 % de son PIB.

Puis, après la crise économique et financière de 2008, qui a pesé lourdement sur les finances publiques, il fut décidé d’introduire un « semestre européen », en 2011. Au menu des six premiers mois de l’année : examen par la Commission européenne des déséquilibres macroéconomiques dans chaque État, recommandations de corrections éventuelles, confirmation des orientations nationales par le Conseil européen et, enfin, soumission par chaque État (avant le 15 avril) de sa stratégie budgétaire et de son programme de réformes économiques, pour validation communautaire.

Vint ensuite le renforcement des volets préventif et correctif au travers du « Six-Pack » en 2011, du « Two-Pack » en 2013 et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en 2012 (« pacte budgétaire européen »). Ce dernier institue une « règle d’or », qui impose une limitation du déficit public structurel à 0,5 % du PIB pour les pays dont la dette publique est supérieure à 60 % du PIB. Mais comment mesure-t-on précisément le déficit public structurel ?

L’après-Covid ?

La crise liée à la Covid-19 a conduit à une dégradation importante des finances publiques. Chemin faisant, le cadre budgétaire européen était de facto suspendu depuis 2020, avant de l’être de jure. Mais au regard des niveaux stratosphériques atteints par l’endettement public dans certains États à la mi-2022 (182 % du PIB en Grèce, 150 % en Italie… avec une moyenne de 94 % au sein de la zone euro), les appels à une refonte des règles budgétaires se sont multipliés en France, en Italie ou en Espagne. Mais l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas continuent de s’y opposer plus ou moins formellement.

Conscient de l’absurdité de conserver des règles que presque personne ne respecte, le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni, a lancé, en 2021, des consultations formelles pour les faire évoluer. La nouvelle mouture mise sur la table conserve symboliquement les totems de 3 % pour le déficit et 60 % pour la dette (avec désormais un seuil intermédiaire à 90 %), mais en y ajoutant une dose importante de flexibilisation et d’individualisation. Chaque État aurait ainsi sa propre trajectoire de réduction du déficit et de la dette sur quatre ans (avec des exceptions en cas de crise ou de réformes majeures), adaptée à ses conditions financières. En contrepartie, les sanctions seraient plus strictes — mais d’un montant plus faible —, ce qui laisse songeur dans la mesure où, pour l’instant, aucun État n’en a jamais fait les frais. Le danger est alors grand de se contenter d’un seul indicateur, le niveau de la dépense publique, dont on connaît pourtant tous les défauts.

En tout état de cause, il faudra, en premier lieu, réconcilier des positions diamétralement opposées, avant la réactivation des règles budgétaires en 2024.