Concilier vie active et vie d’aidant

Avec près de 9 millions de personnes qui présentent un handicap ou une perte d’autonomie et l’accélération du vieillissement de la population, les aidants vont eux aussi continuer à croître. BPCE l’Observatoire a dévoilé les résultats de sa nouvelle étude consacrée à ce statut. Dans 61 % des cas, ils aident un ascendant (parent, beau-parent, grand-parent). Les dirigeants de TPE-PME prennent conscience de leur rôle auprès de leurs salariés aidants. Regards croisés entre employeurs et aidants.

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Quinze millions. C’est le nombre de Français aidants. Définis comme « des personnes apportant une aide à un proche qui rencontre des difficultés dans sa vie quotidienne en raison de son état de santé, d’un handicap ou de son âge », plus de la moitié d’entre eux (55 %) exercent une activité professionnelle en tant que salarié ou indépendant. Ces aidants actifs souhaitent massivement continuer à travailler : « l’emploi constitue une source de revenu, mais aussi un collectif, un statut, une carrière… et une soupape », note ainsi l’étude* de BPCE, groupe bancaire.

Impact sur la carrière professionnelle

Le principal enjeu pour ces actifs aidants ? L’organisation du travail, avec la nécessité de modifier des horaires ou des jours de travail, les absences en urgence, les congés spécifiques… Au total, 43 % des aidants en activité professionnelle déclarent ainsi avoir modifié leur organisation de travail. Ce taux est nettement plus marqué chez les indépendants (58 %) que chez les salariés (36 %). Neuf aidants sur dix considèrent que l’aide qu’ils apportent à leur proche est importante ou très importante. Sachant qu’en termes d’horaires, la charge est très inégale entre ceux mobilisés quasiment en continu – souvent conjoints ou parents d’une personne malade ou handicapée, habitant le même domicile – et ceux qui apportent une aide plus ponctuelle. 37 % des aidants estiment que la personne aidée est très ou extrêmement dépendante d’eux. De fait, l’étude met en exergue le fait qu’être aidant peut constituer un frein sur l’évolution des carrières. Ainsi, 44 % des aidants en activité jugent que ce rôle d’aidant les a conduit à refuser des opportunités, telles qu’une promotion, un changement de poste ou une nouvelle offre d’emploi. L’étude met par ailleurs en avant de grandes disparités entre hommes et femmes aidants. Parmi les salariés, les femmes sont plus nombreuses à déclarer avoir réduit leur temps de travail, alors que les hommes modifient davantage leur emploi du temps et ont recours plus fréquemment au télétravail. Ainsi, 29 % des femmes salariées aidantes occupent un poste à temps partiel, contre 13 % des hommes dans la même situation. Les femmes sont également plus nombreuses à avoir renoncé à leur activité professionnelle pour aider un proche : 80 % des aidants au foyer sont des femmes et 43 % ont dû arrêter de travailler en raison de leur situation d’aidant.

Coût conséquent

Outre la complexité de leur organisation, les difficultés des aidants sont nombreuses : manque de temps, pénurie d’aides professionnelles et coût de l’accompagnement. La moitié de ceux interrogés déclarent ainsi prendre en charge certaines dépenses ou versent une aide financière, principalement pour couvrir les dépenses courantes. Pour près d’un tiers, le montant de l’aide est supérieur à 250 euros par mois. A noter que plus les revenus de l’aidant sont élevés, plus le soutien financier est fréquent et les montants importants. Cela explique en partie que l’aide financière soit jugée largement « supportable » pour 49 % d’entre eux, même si 58 % déclarent avoir dû renoncer à des projets ou à des achats et que 12 % estiment que ce coût se situe au-delà de leurs capacités (vs 7 % en 2020).

Dialogue avec l’employeur

Par souci de transparence (40 %) ou pour préserver la relation de confiance (28 %), environ un salarié aidant sur trois a informé son employeur de sa situation. Pour 93 % d’entre eux, l’annonce se passe bien, voire très bien (49 %). Pourtant, seuls 36 % se sentent soutenus par leur employeur. Néanmoins, plus les troubles de la personne aidée sont sévères, plus la situation des aidants semble prise en considération par l’employeur. C’est le ressenti de 70 % de ceux qui doivent s’absenter plusieurs fois par mois.

De leur côté, 23 % des dirigeants de TPE-PME disent avoir connaissance de la situation d’aidants de leurs salariés et 85 % d’entre eux déclarent proposer au moins un dispositif susceptible de répondre à leurs besoins. Le plus souvent, il s’agit de mesures globales à la disposition de l’ensemble des salariés. Les dispositifs plus spécialisés (don de jours de repos entre collègues ; congé proche aidant, de présence parentale, de solidarité familiale ; formations, réunions ou supports d’information dédiés ; accès à des services d’accompagnement spécifique) sont moins souvent cités. De manière générale, les dirigeants privilégient une approche au cas par cas (52 %) : une infime minorité d’entre eux déclarent ainsi avoir mis en place une politique structurée (1 %), y compris parmi les plus grandes PME. Dans 45 % des cas, ils reconnaissent que le sujet des aidants n’est tout simplement pas abordé. En cause : le manque de temps, la méconnaissance des dispositifs, mais aussi un potentiel de déstabilisation de l’activité plus fort que dans les grandes entreprises. Cependant, les dirigeants de TPE-PME ont bien conscience de leur rôle auprès de leurs salariés aidants : les accompagner est une manière d’être un employeur engagé et responsable, pour 89 % d’entre eux . « Cette prise de conscience du rôle sociétal de l’entreprise s’inscrit dans l’évolution de la société. Le sujet des aidants fait écho à un élargissement des attentes vis-à-vis des entreprises, au-delà de leur stricte fonction économique, ainsi qu’à une transformation plus fondamentale du rapport des Français au travail », souligne le baromètre.

*L’étude repose sur deux enquêtes exclusives menées avec l’Institut CSA : auprès de 2 009 Français de 15 ans et plus, et d’un sur-échantillon d’aidants permettant d’avoir une base totale de 1 671 aidants (online du 10 au 24 juillet 2022) et auprès de 544 entreprises de 6 à 499 salariés ( par téléphone du 4 octobre au 10 novembre 2022) complétée par 10 entretiens téléphoniques ( individuels, menés en décembre 2022 et janvier 2023).

Charlotte DE SAINTIGNON