Comment les Français s’adaptent-ils à l’inflation ?

Baisse des dépenses d’alimentation, recours accru au discount… En 2023, les Français adaptent leur consommation à l’inflation pour préserver des plaisirs au quotidien, dont le restaurant, d’après le baromètre BPCE digital et payments. Quant à la génération Z, elle délaisse Deliveroo pour les sites de rencontre...

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Baisse des dépenses d’alimentation, recours accru au discount… En 2023, les Français adaptent leur consommation à l’inflation pour préserver des plaisirs au quotidien, dont le restaurant, d’après le baromètre BPCE digital et payments. Quant à la génération Z, elle délaisse Deliveroo pour les sites de rencontre...

Explosion des dépenses de la génération Z sur les sites de rencontre. Baisse des dépenses alimentaires deux fois plus importantes chez les consommateurs ruraux que dans le reste de la population… Ces tendances de consommation sur les cinq premiers mois de 2023 ont été décelées par le baromètre BPCE digital et payments. Celui-ci est basé sur les données anonymisées de 20 millions de cartes bancaires (une sur 5 en France) et inclut le paiement par mobile. Le 27 juin, lors d’une conférence de presse en ligne, Myriam Dassa, directrice du baromètre a présenté les résultats de l’étude. Constat général, « les comportements des consommateurs déjà observés l’an dernier pour faire face à l’inflation se prolongent. Les Français mettent en œuvre des stratégies anti-crise. Ils réalisent des arbitrages sur certains types de consommation pour continuer à se faire plaisir sur d’autres postes », explique Myriam Dassa.

Signe tangible de la poursuite de cette inflation constatée par le baromètre, les dépenses en carburant n’ont cessé d’augmenter : de 43 euros en 2019 , elles sont passées à 49 euros en 2022 et 50 euros en 2023. Résultat, « les Français restent attentifs à leurs dépenses », observe Myriam Dassa. Le premier et principal poste à en pâtir est l’alimentation, qui pèse pour 12 % du budget des Français. Déjà, en 2022, ces dépenses avaient diminué de 9 % et cette baisse s’est poursuivie cette année (- 7 %). Les consommateurs font évoluer leurs habitudes, se rendent moins souvent dans les magasins, en changent. En témoigne l’impressionnant succès des circuits de distribution discount (pour toutes les catégories de produits). Les dépenses y ont augmenté de 35 % en 2023 ce qui amplifie la croissance déjà considérable de l’an dernier (+18 %). « Le discount séduit et fidélise de plus en plus de consommateurs », note Myriam Dassa.

Cosmétiques, restos et fringues d’occasion

De fait, le recours à ce circuit de distribution semble constituer la principale arme anti-crise des Français, très manifestement désireux de continuer à avoir des activités agréables, en dépit du contexte économique. Pour preuve, certaines dépenses continuent de croître. C’est en particulier le cas de celles de restauration (celle rapide comprise). Après avoir augmenté de 44 % en 2022, les dépenses au restaurant ont encore progressé de 15 % sur les cinq premiers mois de 2023, principalement en raison de l’augmentation de la fréquentation, le panier moyen restant stable. Autre exemple, «certaines dépenses pour des petits plaisirs du quotidien ont augmenté, comme les produits de beauté qui ont le vent en poupe », dévoile Myriam Dassa : elles ont crû de 13 % en 2023, après avoir déjà augmenté de 15 %, l’an dernier.

Au delà des tendances générales d’achat chez les Français, l’étude s’est concentrée sur deux catégories de consommateurs particulièrement touchées par l’inflation, la génération Z (18 à 24 ans) et les habitants des territoires ruraux. « Ils sont peut-être les précurseurs de comportements anti-crise. Si l’inflation devait perdurer, leurs comportements pourraient se diffuser plus largement dans la société », explique Myriam Dassa. Les jeunes sont clairement particulièrement impactés par l’inflation : en 2023, leurs dépenses par carte ont augmenté de 4,9 % seulement, contre 8 % pour l’ensemble de la population. En conséquence, « ils se restreignent sur certains postes, voire, ils adoptent des comportements de substitution », note Myriam Dassa. Cette tendance apparaît de manière flagrante sur les dépenses de prêt-à-porter. En 2023, elles ont baissé de 13 % chez les jeunes (vs une baisse de 4 % dans l’ensemble de la population). Les achats de seconde main sont devenus une solution de substitution. Les jeunes sont sur représentés sur le secteur, avec un panier moyen de 26 euros, contre 20 euros pour l’ensemble des Français.

Autre tendance spécifique à la génération Z : alors que celle-ci avait adopté de manière particulièrement intense la restauration à domicile, ses dépenses en la matière ont baissé de 6 %, en 2023. Le fait est d’autant plus marquant que, dans le reste de la population, celles-ci augmentent (+3%).

Les consommateurs ruraux très touchés

« Les jeunes revoient à la baisse certains postes de leur budget pour laisser libre cours à d’autres envies », commente Myriam Dassa. C’est en effet l’un des« faits les plus surprenants » de ce début d’année. Les 18 à 24 ans ont augmenté de 49 % leurs dépenses sur les sites de rencontres, beaucoup plus que l’ensemble de la population (+ 28%). Dans ce domaine, leur panier moyen s’élève à 22 euros en 2023 (contre 20 euros en 2022 et 25 euros pour la moyenne des Français) .« Un désir d’hédonisme dans un climat de rationalisation des dépenses », propose Myriam Dassa.

Autre population scrutée par le baromètre, celle des consommateurs ruraux, particulièrement touchés aussi par l’inflation, en raison de leurs dépenses contraintes de mobilité. L’étude a adopté la définition de l’Insee concernant les territoires ruraux, et inclut donc la population de dix départements dont l’Aveyron, la Creuse, la Haute Marne, la Lozère, la Nièvre… Dans ces territoires, les dépenses de carburant ont augmenté de 4 % en 2023, contre 2 % dans l’ensemble de la population, imposant aux ménages des arbitrages particulièrement conséquents. En particulier, « les consommateurs ruraux sont encore plus attentifs que le reste de la population à leurs dépenses alimentaires. Et ils vont faire leurs courses moins souvent », note Myriam Dassa. Fait majeur, leurs dépenses ont baissé deux fois plus (14%) que celles de l’ensemble de la population. Et leur panier moyen est deux euros supérieur à celui des Français, en moyenne (36 euros).

Autre « fait surprenant » de l’année, alors que les Français ont restreint leurs dépenses en produits bio de 4 % en 2023, les ruraux les ont augmentées de 10 %. Leurs achats en billets d’avion ont également crû plus que dans le reste de la population. (+ 34 %, soit 11 points de plus que la moyenne des Français). Reste à comprendre, au-delà de la dimension de stratégie anti-crise, comment interpréter certaines évolutions de consommation dévoilées par l’étude. Laquelle présente un grand intérêt pour les marketeurs, mais aussi pour les sociologues.