Campagne électorale : la liste de courses du Medef

Réduction d’impôts, réforme des retraites, relance du nucléaire, fiscalité du patrimoine… Le Medef entend peser sur les décisions du futur locataire de l’Elysée. Tout en déplorant que le débat public ne se focalise pas sur l’économie.

Campagne électorale : la liste de courses du Medef

Pour le moment, Geoffroy Roux de Bézieux est un peu déçu. Alors que se positionnent, sur la scène du théâtre politique national, les protagonistes de l’élection présidentielle d’avril, le Medef trouve qu’« on ne parle pas vraiment des entreprises et d’économie ». Pour inciter les candidats à s’y intéresser, l’organisation patronale a rédigé un mémento d’une cinquantaine de pages dont le titre claque comme une chanson facile : « Faire réussir la France ».

Les préconisations du Medef, de présidentielle en présidentielle, changent pourtant assez peu : « Notre conviction est que le socle, c’est la croissance », un principe que pratiquement aucun candidat ne remet frontalement en question. « Mais beaucoup d’entre eux présentent des propositions qui auraient comme conséquence de limiter la croissance », s’inquiète Geoffroy Roux de Bézieux. Des exemples ? Citant des propositions des candidats Fabien Roussel ou Jean-Luc Mélenchon, le président du Medef précise : « quand on propose une augmentation du Smic de 20% ou de bloquer certains prix, il faut s’attendre à ce que les entreprises réduisent leurs investissements ».

Le Medef plaide aussi, et depuis longtemps, pour une « réduction de la dépense publique ». Certes, « le ‘quoi qu’il en coûte’ a fonctionné », reconnaît son président, en allusion à la promesse formulée en mars 2020 par Emmanuel Macron de soutenir les entreprises touchées par les conséquences de l’épidémie. Mais la dette publique « n’est pas indolore », soutient-il, faisant le tri entre « la bonne et la mauvaise dépense publique ». D’un côté, « les investissements de l’Agence européenne du médicament pour créer des molécules » et, de l’autre, « certaines dépenses de fonctionnement des collectivités locales ».

Pour réduire la dette, le patronat s’en prend aux « impôts de production », ceux qui « pèsent sur le haut de bilan, le chiffre d’affaires ou la masse salariale », une chanson qu’entonnait déjà, en 2017, le candidat François Fillon. Selon les calculs du Medef, les sommes que représentent ces impôts dépasseraient « de 35 milliards d’euros, la moyenne européenne ». Parmi ces outils figurent la taxe sur les surfaces commerciales, la taxe foncière ou le « versement mobilité », assis sur la masse salariale et destiné à financer les transports publics.

Interrogé sur la hausse du prix des carburants, le président du Medef propose de « remplacer le versement mobilité par une indemnité essence ou véhicule ». Les associations d’élus concernés, parmi lesquelles le Groupement des autorités responsables des transports (Gart), n’apprécient pas. Dans un communiqué publié le lendemain, ces élus assurent que la suppression de l’impôt dédié « mettrait les transports publics à l’arrêt » et entrerait « en contradiction avec la lutte contre le réchauffement climatique ». Au Medef, la controverse n’est pas prise à la légère. Le président « n’a pas voulu dire cela », précise, quelques jours après la conférence, le service de presse de l’organisation. « Il est attaché à la décarbonation des déplacements ».

Geoffroy Roux de Bézieux qualifie d’ailleurs la cause environnementale de « mère de toutes les batailles ». Mais à condition de miser sur la croissance, assure-t-il aussitôt. Ainsi, l’électrification du parc automobile nécessiterait « une relance massive de l’électricité nucléaire », que plusieurs candidats se sont engagés à réduire. Dans la même logique, la régulation des pollutions de l’industrie automobile répondrait à « une vision émotionnelle » de l’environnement. « Si j’osais, je dirais que l’écologie est une chose trop sérieuse pour être confiée à des écologistes », finit par lâcher le patron des patrons. Une journaliste d’un magazine économique, peu suspect de soutenir la décroissance, lui demande alors si « l’écologie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux entreprises »

La fin du chômage ?

Le programme que le Medef entend soumettre aux candidats s’appuie par ailleurs sur les évolutions socio-économiques récentes. Geoffroy Roux de Bézieux observe ainsi « une petite inflexion sur la métropolisation de l’économie » qui ne cessait de se renforcer jusqu’à la fin des années 2010. Depuis le début de l’épidémie, « les gens se réinstallent dans les villes moyennes, c’est une tendance à encourager ».

Sur le front de l’emploi, la France serait «entrée dans une baisse de longue durée du chômage », et d’ailleurs, « il n’y a pas un patron qui ne rencontre pas de problèmes de recrutement ». Lors des négociations salariales dans les entreprises, « la loi de l’offre et la demande se retourne au profit des salariés », affirme le président du Medef, tout en reconnaissant « des différences géographiques » : si le taux de chômage est tombé à « 3% » dans certaines régions, il demeure ailleurs « à plus de 12% ». Pour autant, le patron des patrons reconnaît « ne pas avoir de proposition » au sujet des « trappes à bas salaires », cet effet pervers des allègements de cotisations qui incitent les employeurs à embaucher au salaire minimum.

En revanche, le Medef déploie un argumentaire précis au sujet de la réforme des retraites (une autre « mère de toutes les batailles ») ou des droits de succession. « La fiscalité de la transmission du patrimoine professionnel doit être améliorée », affirme Geoffroy Roux de Bézieux. « Si quatre héritiers doivent se partager un patrimoine, la seule manière de s’en sortir, c’est de vendre l’entreprise », assure-t-il. Plusieurs candidats, à droite comme à gauche, ont déjà avancé des propositions pour alléger les droits de succession, mais celles-ci concernent essentiellement les particuliers. Le Medef va devoir batailler encore un peu pour imposer ses thèmes de campagne.