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Aides aux ménages: mieux vaut être riche et bien portant…

Selon une étude rendue récemment publique par l’Insee, il apparaît que les dispositifs sociaux et fiscaux pris en 2020 et 2021, notamment pour limiter les effets de la pandémie, ont surtout bénéficié aux plus riches. L’Insee publie, concomitamment, une enquête sur les bénéficiaires de l’aide alimentaire.

© : Olivier RAZEMON Une file d'attente devant La Poste, pendant le premier confinement, au printemps 2020.
© : Olivier RAZEMON Une file d'attente devant La Poste, pendant le premier confinement, au printemps 2020.

C’est embarrassant. Les dispositifs sociaux et fiscaux décidés par le gouvernement au moment de l’épidémie de Covid ont davantage bénéficié aux foyers les plus aisés qu’aux ménages pauvres. « Les très nombreuses mesures prises ces deux dernières années ont augmenté le niveau de vie moyen de 1,1% des personnes résidant en France métropolitaine », explique Franck Arnaud, de la Direction des recherches, des études de l’évaluation et des statistiques (Drees) qui dépend des ministère sanitaires et sociaux. Au total, le revenu disponible a progressé de 12,7 milliards d’euros en raison de ces décisions.

Mais « la moitié la plus aisée a reçu en moyenne 420 euros, la moitié la plus pauvre a dû se contenter de 130 euros », ajoute le spécialiste. Les écarts grandissent encore si on mesure les sommes versées aux 30% les plus riches, presque 500 euros, et aux 30% les plus pauvres, à peine plus de 100 euros. Les mesures de 2020 et 2021, considérées dans leur ensemble, n’ont fait baisser le taux de pauvreté que de 0,1%.

Pour parvenir à ce calcul, dévoilé à l’occasion de la publication du « Portrait social » annuel de l’Insee, fin novembre, les statisticiens ont additionné les mesures pérennes, comme la poursuite du dégrèvement de la taxe d’habitation ou les revalorisations du minimum vieillesse et de l’allocation supplémentaire d’invalidité, et les mesures exceptionnelles que furent la majoration de l’allocation de rentrée scolaire, en 2020, ou l’indemnité inflation de 100 euros, en 2021. Certaines de ces mesures étaient présentées comme une compensation des effets de l’épidémie sur l’activité, et d’autres n’ont aucun lien avec le Covid.

Il apparaît, en outre, que si 90% des revenus supplémentaires sont constitués de mesures pérennes, les gains des deux déciles les plus modestes ont été versés sous la forme de mesures exceptionnelles. Le ministère des Finances peut tenter de se raccrocher aux chiffres relatifs afin, précisément, de… relativiser le constat. Ainsi, le revenu moyen des 10% les plus aisés n’a progressé « que » de 0,7% en raison de ces mesures, alors que les classes moyennes supérieures, qui gagnent environ 2 500 euros par mois, ont bénéficié d’une hausse de 1,6% de leur revenu.

Ce calcul sévère, produit par une direction de l’administration centrale, n’est pas sans rappeler les effets indirects de la « prime carburant », distribuée aux automobilistes d’avril à novembre. Les remises successives de 18 centimes par litre, puis 30 centimes, puis 10 centimes ont coûté au total 7,5 milliards d’euros, et ont bénéficié mécaniquement aux plus aisés, puisqu’elles ont été distribuées sans distinction de revenu. Contrairement à une idée répandue, le nombre de kilomètres parcourus en voiture est proportionnel au revenu, sauf pour le décile le plus élevé, où il fléchit légèrement.

« Les plus pauvres des plus pauvres »

Dans le même « portrait social », l’Insee s’est intéressé aux bénéficiaires de l’aide alimentaire. Les enquêteurs se sont rendus dans 235 sites pour interroger 400 personnes. Ils ont d’abord constaté « la complexité de l’aide alimentaire », explique Thomas Lellouch, directeur de projets statistiques à l’Insee. « Il existe 9 000 structures associatives et quatre dispositifs d’aide, les colis, les épiceries sociales, la distribution de repas et l’aide financière », détaille-t-il. 71% des personnes interrogées par l’Insee recourent à la distribution de colis, 28% fréquentent les épiceries sociales et 12% les distributions de repas. Au total, selon l’Insee, le nombre de bénéficiaires de l’une ou l’autre de ces aides se situe entre 3,2 et 3,5 millions de personnes. En fonction de leur profil, les bénéficiaires ont plus facilement recours à un service ou à un autre : « les familles ou les femmes vivant seules avec leurs enfants se tournent davantage vers les colis, tandis que les hommes isolés préfèrent les distributions de repas ».

L’Insee brosse le portrait d’une population déshéritée, « les plus pauvres des plus pauvres », comme dit le titre de l’étude. Leur niveau de vie moyen ne dépasse pas les 637 euros par mois, soit « un quart du revenu moyen des ménages ». Si 86% de ces personnes vivent dans un « logement ordinaire », 8% vivent en hébergement collectif et 4% sont sans-abri. Les privations alimentaires ne sont pas rares : 49% disent « réduire les quantités qu’ils consomment », 35% demandent de la nourriture à leurs proches et 32% disent « se coucher, parfois, en ayant faim ».

Les difficultés ne viennent jamais seules. Les bénéficiaires des aides alimentaires déclarent des difficultés financières, « 2,3 fois plus souvent que la moyennes des personnes pauvres ». Et ils s’estiment en plus mauvaise santé. « Le renoncement au soin est beaucoup plus courant », observe l’Insee.


Une file d'attente devant La Poste, pendant le premier confinement, au printemps 2020.

Les dispositifs sociaux et fiscaux décidés par le gouvernement au moment de l’épidémie de Covid ont davantage bénéficié aux foyers les plus aisés qu’aux ménages pauvres