Lait à boire : prix préservé mais usage en désuétude ?

Le lait subit une baisse de la consommation sur le long cours, fruit de changements sociétaux structurels, d’après Syndilait, qui regroupe des fabricants. En revanche, la filière a échappé aux renégociations sur les prix.

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Faudrait-il s’inspirer de Pierre Mendès France, président du Conseil, lorsqu’il instaurait le verre de lait quotidien pour les écoliers en 1954 ? Le 17 mai, à Paris, à l’occasion de la journée mondiale du lait, Syndilait, syndicat professionnel qui regroupe 13 fabricants de lait de consommation liquides, dont Candia ou Alsace lait, tenait une conférence de presse sur l’actualité du secteur. Celui-ci représente 24 000 emplois dont 6 000 directs, répartis dans 26 laiteries. Lesquelles se fournissent auprès de quelque 51 000 élevages qui comptent en moyenne moins de 70 bêtes.

Côté consommation, l’état des lieux est alarmant. « Nous constatons une dé-consommation du lait depuis dix ans au moins, de l’ordre de 2 à 3 % par an, environ. Cette tendance structurelle est due à une évolution des modes de vie dans les familles. On se couche de plus en plus tard ; la pratique du petit-déjeuner traditionnel qui réunit tous les membres de la famille se perd. L’usage en cuisine se perd aussi avec la floraison des livraisons à domicile. Pendant les années Covid, nous avons vu rebondir ces deux usages », déplore Eric Forin président de Syndilait. Ainsi, en 2022, chaque Français a consommé 40 litres de lait (sous forme liquide). Cela représente au total 2,65 milliards de litres, contre 2,76 milliards en 2021(-3,9 %). En terme de chiffre d’affaires, le marché du lait liquide, essentiellement concentré en grande distribution, pèse 2,37 milliards d’euros (en hausse de 4,6 % par rapport à 2021). Le lait UHT représente 96,5% des ventes. Comme le reste du secteur bio, la consommation de ce type de lait a chuté ( 8 %), en 2022. Le consommateur, qui a vu les prix alimentaires augmenter s’est reporté sur d’autres produits moins coûteux. C’est la filière bio même qui est « en danger », avec des éleveurs qui reviennent aux méthodes conventionnelles, d’après Emmanuel Vasseneix, vice-président de Syndilait.

Le « juste prix »

Du côté de la production, 99 % du lait consommé en France a été collecté et conditionné dans le pays. « Il s’agit d’une filière complètement souveraine », note Emmanuel Vasseneix. Au total, 23,3 milliards de litres ont été collectés en France, l’an dernier. Cela place le pays en deuxième position derrière l’Allemagne, laquelle a collecté environ 31 milliards de litres, en 2022. « Depuis 2015, nous contribuons de manière positive à la balance commerciale. Les Italiens représentent environ la moitié de l’export. Mais ce solde positif global est en baisse », poursuit Emmanuel Vasseneix. L’an dernier, les exportations ont diminué de 17 %, avec 150 millions de litres exportés.

Reste la question cruciale du prix, dans le contexte actuel d’inflation et de négociations tendues. Pour Syndilait, le lait est aujourd’hui à son «juste prix » . Celui moyen du litre a été revalorisé. Il a dépassé la barre de un euro (1,07) en grande-distribution, soit une augmentation de 7,9 %. « Nous pouvons être satisfaits. Toutefois, nous restons très loin du compte par rapport à l’inflation subie par la filière », analyse Emmanuel Vasseneix. Le syndicat estime cette hausse des coûts de 18 à 20 %. « Il est absolument nécessaire de pouvoir conserver ce juste prix », insiste Emmanuel Vasseneix. Jusqu’à présent, cela a été le cas, Bercy ayant écarté la filière laitière des négociations reprises en mai entre industriels et distributeurs. La décision ne peut que satisfaire la filière qui argumente de l’importance de son maintien par le caractère souverain de sa production et ses efforts réalisés en matière de développement durable.

En revanche, Syndilait s’inquiète du nouveau classement du Nutriscore, le lait étant à présent assimilé à une boisson, potentielle voie ouverte à une taxation. « On ne boit pas du lait pour s'hydrater. Il est source de protéines, de vitamines, et de calcium, essentiel notamment pour la croissance des adolescents», souligne Eric Forin. Telle était, avec la lutte contre l’alcoolisme enfantin, la raison de la politique de Pierre Mendès France.

Où les consommateurs jettent-ils leur briques de lait ?

La filière dispose d’une filière de recyclage pour ses bouteilles et briques de lait, dans le cadre de Citeo, l’acteur de la REP, Responsabilité élargie des producteurs, pour les papiers et emballages ménagers. Actuellement, 60 % seulement de ceux concernant le lait sont collectés. La réglementation prévoit un objectif de 77 %, en 2025. Pour l’essentiel, ces produits sont consommés dans les foyers, ce qui simplifie la collecte et devrait permettre d’atteindre les objectifs, à condition aussi que les consommateurs y contribuent.