Tourisme
Campings : l’activité stable sur fond de révolution
En 2025, l'activité des campings devrait rester stable et jouer le rôle d'amortisseur social pour les Français qui subissent une baisse de leur pouvoir d'achat. En arrière-fond, le secteur poursuit sa transformation, les établissements montant en gamme sous l'impulsion d'investisseurs, tandis que les petits campings disparaissent.

2025 ne sera pas une année exceptionnelle pour le camping. Le 8 avril, à Paris, la FNHPA, Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air présentait à la presse son bilan 2024 et ses prévisions pour la saison à venir. Celle-ci devrait être « étale » par rapport à celle de l'année précédente, selon Nicolas Dayot président de la FNHPA. A date, les réservations 2025 sont légèrement supérieures ( +1%) à celles de 2024, « année compliquée ». Au total, l'an dernier, le secteur a enregistré 141,18 millions de nuitées, en légère baisse ( -0,35%) par rapport à 2023. La performance des campings (premiers en nombre de lits) n'en n'est pas moins restée très supérieure à celle des autres hébergements collectifs de tourisme, qui ont perdu 2% de leurs nuitées. « Nous avons limité la casse », commente Nicolas Dayot . Un mois d'août record et un « bon » mois de mai ont compensé les mauvaises performances de juin et juillet marqués par une combinaison de météo et contexte politique défavorables.
Autre constat de la FNHPA, la recherche de soleil a poussé les vacanciers vers des destinations comme PACA, l'Ardèche ou la Corse, au détriment de la Bretagne, la Normandie et les Pays de la Loire. L’Île-de-France affiche en 2024 une baisse notable de fréquentation (-8,8%), « effet d'évitement des jeux Olympiques », commente Nicolas Dayot. En revanche, « l'attrait pour le littoral reste constant ». En dépit d'une légère baisse (-1%), les campings sur les côtes continuent de concentrer plus de la moitié des nuitées de l'année. Point positif, en 2024, « la fréquentation des touristes étrangers se maintient à un très haut niveau », explique Nicolas Dayot. Entre mai et août 2024, ils ont cumulé 36,4 millions de nuitées, en progression de 4% par rapport à l'année précédente, jusqu'à représenter 30% de la clientèle. En Europe, la France, riche de 7 400 campings, demeure le pays de référence en la matière, privilégié avant tout par les Hollandais, les Allemands et les Belges.
« Economie de la débrouille »
Les Français aussi sont traditionnellement attachés à ce type de vacances : huit sur 10 en ont une bonne opinion, selon le dernier sondage Ifop pour la FNHPA. Mais aujourd'hui, le camping prend une dimension nouvelle. « Il sert d'amortisseur à la crise. Il permet à une partie de la population de continuer à profiter des loisirs dans le cadre d'un pouvoir d'achat qui se contracte », analyse Jérôme Fourquet, directeur de l'Ifop. De fait, 83% des sondés estiment que ce mode d'hébergement leur permet de continuer à partir malgré la baisse de leur pouvoir d'achat. Dans le même sens, 46% des campeurs de milieu social modeste reconnaissent privilégier aujourd'hui le camping, alors qu'ils avaient d'autres habitudes par le passé, contre 37% des campeurs dans leur ensemble. Autre constat de l'étude, pointe Jérôme Fourquet, l'« économie de la débrouille » des campeurs : 90% d'entre eux expliquent élaborer des stratégies pour être en mesure de s'offrir des vacances en camping. Les trois quarts font des concessions sur le confort, en optant pour un hébergement d’entrée de gamme ou un emplacement nu, 72% en choisissant des périodes moins chères et 47% transigent avec la durée du séjour. Et 22% des campeurs modestes déclarent apprécier la dimension « all inclusive » du camping (contre 14% des campeurs en général). « Ils partent à proximité pour limiter les dépenses de transport, et ils prennent un camping pour que les enfants s'amusent. Le camping constitue une offre clé en main qui permet de maîtriser son budget », décrypte Nicolas Dayot . L'enjeu, déjà majeur, sur le plan sociétal, quand 20 millions de Français ne partent pas en vacances, ne fait que croître en importance. En 2010, 54% d’entre eux déclaraient pouvoir mettre de l'argent de côté pour partir en vacances. En 2024, la proportion est descendue à 43%.
Fonds d'investissements, petits campings vétustes
Si les stratégies de la « débrouille » se révèlent indispensables pour permettre aux plus modestes d'accéder aux campings, c'est aussi parce que ces derniers montent en gamme. C'est le fruit d'une évolution de long cours du secteur, passé du camping « simple » des trente glorieuses, à une version dotée d'équipements ( piscines, habitats...). Ainsi, l'an dernier, le nombre d'établissements une et deux étoiles a diminué au profit des trois étoiles. « La source d'attractivité des campings tient à leurs équipements et services, quelle que soit la catégorie sociale de la clientèle », commente Nicolas Dayot. Ce changement est porté par des acteurs capables de réaliser des investissements importants, aboutissant à une concentration capitalistique. « La France, premier pays européen en matière de camping, est un terrain de jeu plus intéressant que les autres en volume pour les investisseurs français et internationaux », explique Nicolas Dayot , qui souligne l'effet d'entraînement de cette dynamique pour les autres acteurs du secteur. Dernier mouvement notable, le 24 mars, Adia, le fonds souverain d'Abou Dhabi, a annoncé sa prise de participation dans ECG, European Camping Group, un des leaders européens. Cette entrée dans le capital se serait faite sur la base d'une valorisation de deux milliards d'euros, selon le journal Le Monde.
Mais tandis que le secteur se concentre et monte en gamme, de petits campings, dotés d'équipements sommaires ou vétustes, possédés par un patron âgé ou une municipalité, disparaissent. « Il y avait plus de 900 000 emplacements, il y a 20 ans. Nous en avons perdu 80 000 », alerte Nicolas Dayot. La FNHPA plaide pour un assouplissement des règles qui permettrait à ces campings d'évoluer, afin qu'ils retrouvent plus facilement un repreneur. « Il existe un modèle pour ces petits campings qui peuvent se tourner, par exemple, vers l'écotourisme », estime Nicolas Dayot .