Qui sont les potentiels contributeurs à l'effort fiscal de crise ?

Qui sont les potentiels contributeurs à l'effort fiscal de crise ?

Qui est riche, en France ? En quoi cela consiste-t-il ? L’Observatoire des inégalités s’efforce  de répondre à la question. Sous-jacent, un enjeu crucial :  celui de la répartition de la contribution de la population pour financer l’effort financier de l’État durant la crise. 

Rétablissement de  l’ISF (Impôt sur la fortune)? Instauration d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu ? Depuis le mois de mai, le débat bat son plein : des propositions d’augmentation fiscale fleurissent, émanant, par exemple, de l’économiste Esther Duflo, prix Nobel d’économie, ou de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. A contrario, le Medef met en garde contre l’effet néfaste de telles mesures. Quoi qu’il en soit, corollaire du colossal effort budgétaire consenti par l’État, les questions de son financement et la potentielle contribution des Français sont aujourd’hui centrales.  Le 9 juin, la publication du «Rapport sur les riches en France»,  par l’Observatoire des Inégalités,  fondé par Louis Maurin, journaliste économique, apporte des éléments de réflexion inédits. 

Le rapport s’efforce en effet de répondre à des questions apparemment simples, et pourtant, non résolues : qui est riche ? En quoi cela consiste-t-il ?  En France, «c‘est la première fois qu’un tel travail est réalisé. La pauvreté est bien étudiée. En revanche sur la richesse, les informations semblent manquer, se faire discrètes»,  explique Anne Brunner,  directrice d’études à l’Observatoire des Inégalités, qui revendique une «démarche expérimentale». En miroir du seuil de pauvreté, défini par l’Insee, l’Observatoire s’est donc attaché à définir  un seuil de richesse. «Nous savions que nous allions déclencher le débat. Nous avons fixé ce seuil à un niveau qui se détache largement en terme de conditions de vie, de logement, de sécurité, de capacité à épargner», argumente Anne Brunner. En termes de revenu, le seuil choisi est celui de 3 470 euros net mensuels après impôt pour une personne seule, et de 7 287 euros pour un couple avec deux enfants. Il s’agit du double du niveau de vie médian. 

90 m2 pour un couple

Au total, en de basant sur ce seuil, la France compte 5 millions de riches, soit 8,2 % de la population. C’est la même proportion que de pauvres, lesquels vivent avec moins de 867 euros par mois. D’après l’Observatoire, au sein de cette population plus aisée, en moyenne, les personnes situées entre les 10 % et le 1 % les plus riches ont un niveau de vie équivalent à 5 000 euros par mois avant impôts. Le 1 % des plus fortunés reçoivent près de 15 000 euros, en moyenne. Quant aux «ultra-riches», leurs revenus dépassent un million d’euros par mois : il s’agit de quelques «grands patrons» et des stars du football. 

Mais outre être affaire de revenus, la richesse est aussi fonction du niveau de patrimoine possédé. L’Observatoire fixe ce seuil de richesse à 490 000 euros, ce qui concerne 4,6 millions de personnes. Autant de disponibilités financières qui permettent des conditions  de vie très confortables : parmi elles,  le fait de disposer d’au moins  60 mètres carrés pour soi dans son habitation, ou 90 m2 pour un couple, d’une résidence secondaire, de partir faire du ski, de pratiquer l’équitation ou le golf, de prendre souvent l’avion. 

Au delà du portrait sociologique, «notre rapport arrive à point nommé dans le débat . Il s’agit de repenser la solidarité, au moment où la crise sanitaire a exacerbé les inégalités qui existaient déjà. Dans l’avenir, il faudra payer collectivement le coût des mesures de soutien, du plan de relance économique», estime  Anne Brunner. Et pour la sociologue, rétablir un impôt comme l’ISF, à l’assiette étroite, ne peut constituer une réponse complète. Pour elle, «du  point de vue de la justice sociale, il est important que chacun contribue pour que l’effort fiscal à venir repose sur une large population, à proportion de ses revenus, et pas seulement une petite couche de la population». Reste à évaluer l’efficacité de  la démarche du point de vue économique. 

Anne DAUBREE