Les DRH craignent une dégradation du climat social

La restitution des résultats d’une enquête de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) a été l’occasion de faire un point sur le contexte social et économique des entreprises, le climat et l’actualité sociale, l’évolution des politiques de rémunération et l’impact de la loi santé.

De gauche à droite,  Laurence Breton-Kueny, vice-présidente, Audrey Richard. (c)ANDRH, présidente,  Benoît Serre, vice-président délégué, de l’ANDRH
De gauche à droite, Laurence Breton-Kueny, vice-présidente, Audrey Richard. (c)ANDRH, présidente, Benoît Serre, vice-président délégué, de l’ANDRH

4c'est une rentrée particulièrement chargée pour les DRH qui se mobilisent pour maintenir l'emploi et s'adapter aux nouveaux enjeux sociaux et économiques – pénuries de recrutement et mise en œuvre de la loi santé ; hausse de l'inflation et des coûts de l'énergie. « Au regard de l’actualité qui amène de grandes incertitudes, les DRH sont à la manœuvre pour adapter les organisations, note Audrey Richard, présidente nationale de l’ANDRH, Association nationale des directeurs des ressources humaines. On est en veille et à l’écoute des salariés du côté des DRH ». L’étude « Rentrée sociale : s'adapter aux nouvelles réalités » de l’Association montre que 39% des DRH anticipent une dégradation du climat social au sein de leur entreprise. En cause : l'inflation, la crise de l'énergie et la réforme des retraites. Parmi les principales craintes relevées, les verbatims font état de la crise énergétique : « la hausse du gaz et de l’électricité va grever les comptes des entreprises » ou encore « l’inflation générera des demandes non tenables en PME ».

Des hausses de rémunérations sous cloche

En termes de rémunération, le contexte est également tendu alors que « la pression est assez forte à l’extérieur comme à l’intérieur des entreprises », note Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH. Les répondants de l’étude alertant sur la difficulté de revaloriser les salaires, au vu du contexte économique. Ainsi « contrairement à ce que l'on entendait ici ou là, il n'y a pas eu tant d'avancées de calendrier des négociations salariales ». Ainsi, seulement 18% des DRH indiquent avoir anticiper les négociations annuelles obligatoires cette année, au vu de la situation incertaine. « Compte tenu des inconnues sur les charges qui pèsent sur les entreprises et, notamment, les coûts de l’énergie, elles sont assez prudentes et ne veulent pas se mettre une charge salariale permanente ». Pour pallier la difficulté d’augmenter les salaires, Benoît Serre met en avant la prime de partage de la valeur. « C’est un outil apprécié qui permet de répondre aux attentes, sans mettre en péril les équilibres moyen-terme de l’entreprise ». La moitié des DRH jugent d’ailleurs pertinentes les évolutions apportées à la prime ( dite Macron) par la loi sur le pouvoir d’achat du 16 août dernier : 43% des entreprises l’ont versée en 2021 et 40% l’ont accordée ou ont prévu de le faire en 2022. Sur les 38% qui ne l’ont pas versée ces deux dernières années, elles indiquent « être en situation de crise mais [qu’elles le feront] dès que possible » ou encore disent « regarder la possibilité de la verser en 2023 ».

Sur le sujet du rachat des RTT, 19 % seulement l'ont déjà déployé, mais près de la moitié (48 %) excluent d'utiliser un tel dispositif. Celui-ci restant « perçu comme risqué pour la qualité de vie au travail des salariés », pointe l’étude, pouvant « détériorer la récupération et l’équilibre vie pro/vie perso ». Sur le sujet de l’organisation du travail, trois quarts des DRH interrogés indiquent que le mode hybride est bien accepté dans leur entreprise. Autre constat, dans le contexte post-Covid, 41% des DRH ont organisé des moments de convivialité, un accompagnement de la culture managériale (32%) et des services en faveur de la QVT, comme le sport, etc (31%).

88% des DRH ont des difficultés à recruter

Autre grand sujet de tension à laquelle les DRH doivent faire face, les problématiques liées au recrutement qui persistent avec 88%* des répondants qui indiquent rencontrer des difficultés. Les solutions plébiscitées ? Aux trois quarts, les DRH indiquent vouloir faire appel à un cabinet de recrutement externe ; travailler sur leur marque employeur (72%) et enfin, avoir recours à la cooptation pour plus de la moitié d’entre eux. L’occasion pour l’ANDRH de rappeler l'importance, dans ce contexte, des politiques des ressources humaines pour la nécessité d’entretenir « l'envie de s'investir dans l'entreprise et d'y progresser », a expliqué Audrey Richard. En termes de formation professionnelle, les DRH font remonter quatre attentes majeures : une simplification du système (64%) « avec un seul interlocuteur », une meilleure prise en charge (54%), un système de financement pérenne (52%) et une harmonisation des services des Opco, opérateurs de compétences (39%). Les verbatims des DRH retenus par l’étude révélant notamment que « Les Opco sont difficilement joignables car débordés ».

Manque de médecins du travail

Autre zone d’ombre pour les DRH, le manque criant de médecins du travail : 67% des répondants indiquent en pâtir pour mettre en œuvre la loi santé. Les difficultés d'accès étant variables selon la zone géographique et la taille de l'organisation. « Il existe une inégalité territoriale, ainsi qu'une inégalité selon les entreprises, en termes d'accès à la médecine du travail », précise Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH. Les conséquences sont multiples, au premier rang desquelles des retards dans les visites et rendez-vous obligatoires et des difficultés pour la mise en œuvre de la prévention. Les verbatims des DRH en ce sens sont éloquents : « Visites et RDV obligatoires refusés faute de place » ou encore « notre médecin du travail est censé suivre 7 000 salariés ».

*Enquête réalisée du 6 au 22 septembre 2022, auprès de 462 décideurs RH

Charlotte DE SAINTIGNON