Le rapport au travail des salariés se dégrade

Outre un focus sur l’état de santé psychologique des salariés, le récent baromètre d’Empreinte Humaine* a mis en avant le changement récent de leur rapport au travail. Ces derniers privilégient l’équilibre de leurs vies professionnelle et personnelle, le salaire et de bonnes relations entre collègues. En revanche, les initiatives des entreprises, telles que les massages et séances de relaxation, sont largement décriées.

Le rapport au travail des salariés se dégrade

La place du travail dans la vie des salariés se dégrade nettement. Ainsi, en 2022 seuls 19% déclarent que le travail tient une place importante dans leur vie, alors qu’ils étaient 70% au début des années 2000, selon les travaux de Lucie Davoine et Dominique Méda « Place et sens du travail en Europe : une singularité française ? ». Le travail ne serait, notamment, plus la seule ressource pour développer pleinement ses capacités : alors qu’en 1999, ils étaient 75% à dire qu’il fallait avoir un travail, ils ne sont plus que 40%, en 2022. Autre changement significatif, la sécurité d’emploi n’est plus (très) importante que pour 29% (contre 43% en 2002). « Alors que la peur de la crise aurait pu développer ce besoin de sécurité d’emploi, la résilience psychologique, notamment par une confiance renforcée en ses capacités, a amené de moindres attentes, avec des salariés qui font preuve d’une plus grande capacité de changement et de prise de risque, avec une hausse des demandes de reconversion et de créations d’entreprises », analyse Christophe Nguyen, enseignant, psychologue du travail et des organisations, cofondateur et président d’Empreinte Humaine, cabinet spécialisé dans la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux. Même si in fine, les intentions de partir restent stables, avec 32% des salariés qui expriment leur souhait de quitter leur entreprise, tout en indiquant attendre la fin de la crise pour activement rechercher un autre emploi. Autre chiffre marquant, l’importance donnée aux possibilités de promotion, qui passe de 83% en 2002 à 59%, vingt ans après : ainsi, l’expérience à court terme semble être privilégiée.

Les attentes en matière de qualité de vie au travail

« Les promesses d’émancipation, de réalisation de soi au travail semblent avoir été bouleversées par la crise sanitaire. Les salariés en mauvaise santé psychologique sont les plus concernés par ces modifications. La qualité de vie au travail a été bouleversée. La question du bien-être et de la santé psychologique devient une motivation professionnelle », poursuit Christophe Nguyen. Selon les salariés français, les quatre attentes prioritaires en matière de qualité de vie au travail au sortir de la crise sanitaire sont l’équilibre des vies professionnelles et personnelles (+20,2 points, en vingt ans), le salaire et les primes, de bonnes relations avec les collègues et la reconnaissance au travail (autre que salariale). « La crise a replacé le besoin impérieux d’avoir une vie personnelle investie. La souffrance économique, le pouvoir d’achat, le salaire et des primes sont devenus prioritaires également. L’inflation et la crise ukrainienne vont sans nul doute renforcer ce facteur. La reconnaissance au travail, autre que salariale, reste toujours une préoccupation majeure, tout comme les bonnes relations avec les collègues (que la crise a mis à mal) », commente Christophe Nguyen.

… Et les flops

A l’inverse, les actions des entreprises les plus décriées sont les programmes de nutrition, des massages et séances de relaxation ou de yoga. « Les démarches portant sur les ‘à-côtés’, comme les programmes de nutrition, sommeil, les massages ou autres sont clairement décriés et inadaptés quant aux besoins des salariés. Il faut arrêter de perdre du temps. De nombreuses études scientifiques montrent que ces actions ne sont pas efficaces pour la santé psychologique au travail, les salariés le savent également », blâme Christophe Nguyen.

*Enquête réalisée avec OpinionWay pour Empreinte Humaine, du 27 janvier au 11 février 2022, auprès d'un panel représentatif de 2 001 salariés français.

Charlotte DE SAINTIGNON