Le nouveau statut unique d’entrepreneur individuel, mode d’emploi

La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante a été promulguée le 14 février 2022. Elle traduit très nettement la volonté du législateur de mieux protéger l’entrepreneur indépendant. Éclairage sur certaines des principales mesures du texte.

Copyright : Pixabay
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Le premier objectif de la loi en faveur de l’activité professionnelle est d’instaurer un environnement juridique, social et fiscal plus simple et plus protecteur pour les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professions libérales ou agricoles). Pour ce faire, l’article 1er de la loi crée un statut unique d’entrepreneur individuel, qui entre en vigueur à partir du 15 mai 2022. Le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), qui n’avait d’ailleurs pas rencontré beaucoup de succès, va progressivement cesser de s’appliquer : aucune nouvelle EIRL ne peut désormais être créée.

Un nouveau statut protecteur du patrimoine personnel

Le nouveau statut unique d’entrepreneur individuel exige « zéro démarche, zéro capital », a expliqué Jérôme Cesbron, notaire à Grenoble, lors d’une table-ronde organisée par les Notaires de France au salon Go Entrepreneurs, le 7 avril dernier. Grâce à ce nouveau statut, toute personne physique qui exerce une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes (commerciale, artisanale, libérale ou agricole) bénéficie automatiquement de la protection de son patrimoine personnel. Ce dernier devient insaisissable par les créanciers professionnels. En cas de défaillance, « seul le patrimoine professionnel peut être saisi par les créanciers », excepté si l’entrepreneur a renoncé au bénéfice de l’insaisissabilité de son patrimoine personnel « à la demande d’un banquier, dans le cadre de la négociation d’un crédit, par exemple ».

A noter que « le régime de la séparation de biens peut être intéressant » pour un couple, dans la mesure où « la banque peut demander à l’entrepreneur de renoncer à la protection sur ses biens, mais pas sur ceux de son conjoint », a relevé Jérôme Cesbron. Mais « attention à la caution », a ajouté David Mennetret, notaire à Reims : « si la banque demande à ce que le conjoint se porte caution, son patrimoine n’est plus protégé ». Et même s’il est « toujours difficile de négocier avec une banque », il peut néanmoins être possible « de demander à limiter la caution dans le temps ».

Assouplissement des conditions d’accès à l’assurance chômage

La loi vient également assouplir les conditions d’accès à lallocation des travailleurs indépendants, l’assurance chômage des travailleurs non-salariés, créée en 2018. Jusqu’à présent, pour bénéficier d’une allocation de 800 € par mois, pendant six mois après avoir cessé son activité, il fallait remplir plusieurs conditions : avoir exercé cette activité en continu pendant deux ans et généré 10 000 € de revenus par an, en moyenne, avoir cessé cette activité pour liquidation ou redressement judiciaire et disposer, à titre personnel, de ressources inférieures au montant du RSA. Désormais, le bénéfice de l’allocation est également ouvert aux entrepreneurs qui font le choix d’arrêter lorsque l’activité n’est plus viable – du fait d’une forte baisse des revenus, par exemple –, sans avoir à en passer par une procédure collective.

Une meilleure protection du conjoint collaborateur

Le statut de conjoint collaborateur, qui était déjà accessible au conjoint marié ou pacsé, l’est désormais aussi au conjoint concubin. Pour limiter les éventuelles situations de dépendance économique à l’égard du chef d'entreprise et permettre au conjoint collaborateur de s’ouvrir davantage de droits sociaux dans sa vie professionnelle, ce statut a été limité à une durée de cinq ans : le conjoint collaborateur devra ensuite choisir entre un statut de conjoint salarié ou de conjoint associé. À noter que ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022 et que les personnes qui exerçaient sous ce statut à cette date peuvent cumuler cinq années supplémentaires (alors que celles qui vont adopter ce statut à compter du 1er janvier 2022 ne pourront en bénéficier que pendant cinq ans).

Faciliter la transmission de l’entreprise et son passage en société

Un autre des grands objectifs de la loi vise à « faciliter la transmission de l’entreprise individuelle » et « simplifier sa transformation en société », a expliqué le notaire Jérôme Cesbron. Ainsi, l’entrepreneur individuel peut vendre, donner ou apporter en société l’intégralité ou seulement une partie de son patrimoine professionnel – par exemple, l’une de ses deux activités – sans procéder à la liquidation préalable de ce dernier. Jusqu’à présent, les plus-values de cession d’une entreprise individuelle ou d’une branche de son activité pouvaient (sous certaines conditions) être totalement exonérées d’impôt si la valeur des éléments transmis était inférieure à 300 000 €, ou partiellement exonérées si elle était comprise entre 300 000 et 500 000 €. Pour faciliter les transmissions, la loi de Finances pour 2022 vient rehausser ces seuils de façon très significative à 500 000 € et à 1 000 000 €.