« La richesse et la diversité du monde viticole à l’échelle mondiale lui assure une grande capacité d’adaptabilité, de…

L’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin emménage à Dijon en 2022. Mais que fait-elle ? Son directeur général Pau Roca nous répond.

Pau Roca, DG de l’OIV (© OIV)
Pau Roca, DG de l’OIV (© OIV)

Qu’est-ce que l’OIV ?

L'Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) est une organisation intergouvernementale fondée en 1924 par 6 États. Elle en regroupe aujourd’hui 48, tous producteurs de vin, représentant la quasi totalité de la production mondiale. L’OIV se donne pour mission de rassembler les acteurs du monde de la vigne et du vin afin qu’ils collaborent dans une même filière. Elle travaille, au sein de 4 commissions regroupant environ 750 experts, aux pratiques viticoles, à l’œnologie, aux aspects économiques et juridiques du marché du vin, et aux questions de sécurité et de santé. L’organisation ne dispose d’aucun pouvoir décisionnaire et fonctionne sur des bases diplomatiques, où le secret des discussions et la discrétion sont des impératifs. Outre sa production de recommandations, l’OIV se charge aussi de collecter et de diffuser les statistiques mondiales du marché du vin, qu’elle est la seule à produire. L’OIV dispose d’un budget annuel de l’ordre de 3,5 millions d’euros et compte 17 salariés.

Qu’a-t-elle eu comme effet sur le monde du vin jusqu’à présent ?

C’est difficile de répondre en détail à une telle question mais je suis certain que l’OIV a contribué à la mise en place d’une acceptation commune de ce qu’est le vin, c’est-à-dire un produit naturel, qui est identifié par une production géographique déterminée, et qui répond à des critères de traçabilité admis mondialement. Ce n’était pas gagné, il a fallu populariser et dépasser une vision initiale très française et européenne, pour aboutir à une définition admise mondialement. Cette définition commune est essentielle, car le vin est un secteur vraiment internationalisé : la moitié de la production mondiale franchit au moins une frontière avant sa vente.

Quels sont aujourd’hui les sujets sur lesquels travaille l’OIV ?

D’abord et avant tout le sujet du dérèglement climatique, et des changements qu’il va forcément induire. Toutes nos commissions travaillent sur ce sujet, qui irrigue absolument tous nos travaux. Je dois vous dire que je suis relativement optimiste sur ce problème. Nous avons des leviers pour adapter la filière au dérèglement climatique. D’abord en travaillant sur le végétal, en sélectionnant ou en développant des plants mieux adaptés aux nouvelles conditions climatiques. Ensuite en développant des pratiques viticoles plus respectueuses de l’environnement et durables. Je crois qu’à l’image du pied de vigne, la richesse et la diversité du monde viticole à l’échelle mondiale lui assure une grande capacité d’adaptabilité et de résistance, de résilience.

Et au-delà de la question climatique ?

Nous sommes à un moment charnière sur une question plus sociale, ou sociologique : dans un monde très sensible aux questions de santé, comment pouvons-nous maintenir la légitimité du vin, comme produit culturel sain. Le secteur viti-vinicole affronte un grand risque de se trouver isolé en cas de basculement de l’opinion publique vers une position anti-vin. Et un tel basculement est rendu plus aisé aujourd’hui avec le développement des réseaux sociaux, notamment. Nous devons renforcer la perception du vin comme produit culturel, de valeur, et rassurer les consommateurs sur son impact sur la santé. Sur ce sujet de la spécificité du vin, nous travaillons déjà en collaboration avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et nous pouvons nous appuyer sur une production scientifique riche qui met en avant la spécificité culturelle du vin par rapport à d’autres alcools, notamment la très importante chaire UNESCO « culture et traditions du vin », de Dijon.

L’OIV est également l’instance qui collecte et produit les données mondiales du secteur viticole. Est-ce que cette mission va évoluer dans les prochaines années ?

Oui, énormément. D’abord, nous travaillons à améliorer la qualité de nos données. Aujourd’hui, elles proviennent essentiellement des États, mais nous cherchons à les croiser avec d’autres sources de données, pour les rendre plus conformes à la réalité. Ensuite, avec le développement de la viticulture de précision, qui optimise les actions sur la vigne en collectant des données sur son état de santé, et celui du sol, nous allons voir exploser les quantités de données produites. Nos scientifiques ont d’ores et déjà développé des modèles prévisionnistes sur l’évolution climatique au plus près du terrain. L’enjeu est de permettre un accès plus large à ces données, pour pouvoir multiplier les traitements et les croisements et en tirer un parti scientifique renforcé. L’OIV est tout à fait favorable à l’Open Data en cette matière.

Pour Aletheia Press, Arnaud Morel